La sous-évaluation manifeste du prix d’une offre ne présume pas de son caractère anormalement bas
La preuve du caractère anormalement bas d’une offre ne peut être déduite de la seule comparaison de son prix avec les offres des autres candidats, l’estimation du pouvoir adjudicateur ou même les précédents marchés conclus par ce dernier. Tel est du moins ce que rappelle, non sans pédagogie, cette ordonnance rendue le 3 novembre dernier par la septième sous-section du contentieux du Conseil d’État.
En l’espèce, la communauté de communes de la vallée du Rognon avait lancé un avis d’appel public à la concurrence pour un marché portant sur la réalisation de travaux de restauration des berges d’une rivière. Au terme de la passation du marché, la communauté de communes choisit l’offre de l’Office national des Forêts (ONF) parmi les candidatures qui lui avaient été présentées.
Suite à la notification du rejet de son offre, l’un des candidats évincé décida toutefois d’exercer un référé précontractuel. Celui-ci estimait que le pouvoir adjudicateur avait commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant une offre anormalement basse. Le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en Champagne fit droit à sa demande.
Telle ne fût cependant pas le point de vue de la haute juridiction administrative qui annula l’ordonnance rendue par le juge des référés. Selon le Conseil d’État, le candidat évincé n’avait pas en effet rapporté la preuve du caractère anormalement bas de l’offre retenue. Or, en se fondant sur la seule comparaison du prix de l’offre retenue avec les offres des autres candidats, l’estimation du pouvoir adjudicateur ainsi que le prix des précédents marchés passés par ce dernier, cela afin de qualifier l’offre retenue d’anormalement basse, le juge des référés avait commis une erreur de droit. Celui-ci devait effectivement rechercher « si le prix proposé par l’ONF était en lui-même sous-évalué et susceptible de remettre en cause la bonne exécution du marché ».
Loin d’être nouvelle (voir notamment CE, 29 mai 2013, Société Arteis, n° 36606), cette solution permet toutefois au Conseil d’État de rappeler très clairement les différents écueils auxquels succombent, parfois, juges administratifs et pouvoirs adjudicateurs lorsqu’il s’agit de qualifier une offre d’anormalement basse. Le recours au critère du prix ne peut effectivement s’avérer utile que dans le cadre d’une analyse globale de la réalité économique et technique de l’offre. Autrement dit, il importe d’observer si le prix manifestement sous-évalué d’une offre n’empêchera pas sa réalisation dans le respect des conditions imposées par le cahier des charges. Il s’agit donc moins de lutter contre les offres anticoncurrentielles que contre celles susceptibles de remettre en cause l’objectif d’efficacité de la commande publique qu’impose l’article 1er du Code des marchés publics.
Sources :
- CE, 3 novembre 2014, Office national des forêts, n° 382413
- CE, 29 mai 2013, Société Arteis, n° 36606
- « L’offre anormalement basse – Fiche de la DAJ, ministère de l'Économie
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