Le pouvoir adjudicateur ne peut revenir sur la pondération des critères d’attribution après un premier examen par une commission
Par un arrêt rendu le 18 novembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que l’Irlande avait méconnu les principes d’égalité de traitement et de transparence en modifiant, après la date limite de présentation des offres et à la suite d’un premier examen des offres soumises, la pondération des critères d’attribution d’un marché.
En l’espèce, la Commission européenne avait exercé un recours en manquement contre l’Irlande au sujet d’un marché de fourniture et de services de traduction pour lequel le ministère de la Justice irlandais avait publié un avis d’appel public à la concurrence mentionnant les critères d’attribution choisis sans toutefois préciser leur pondération. Ce fut chose faite, mais seulement au terme du délai de présentation des offres, afin que la commission d’évaluation puisse procéder à l’examen des offres déposées. De plus, à l’issue d’un premier examen individuel et sur l’initiative de l’un des membres de cette commission, la pondération a été modifiée en vue de l’examen collégial des offres.
La Commission européenne contestait le déroulement de cette procédure aux motifs que, d’une part, l’Irlande aurait dû pondérer les critères d’attribution avant le terme du délai de présentation des offres et, d’autre part, la pondération de ces critères n’aurait pas dû faire l’objet de modifications après un premier examen par la commission d’évaluation.
La CJUE indique tout d’abord que si le marché en question relève de l’annexe II B de la directive 2004/18, et que, par conséquent, la directive ne lui est pas applicable (y compris son article 53 relatif à la pondération des critères), le pouvoir adjudicateur est tout de même tenu de respecter les principes d’égalité de traitement des candidats et de transparence.
S’agissant du premier grief de la Commission, la Cour juge que « la mention de la pondération des critères d’attribution dans le cas d’un marché qui n’est pas soumis à […] l’article 53, paragraphe 2, de la directive, ne constitue pas […] une obligation incombant au pouvoir adjudicateur ». Dès lors, l’Irlande « n’a pas violé le principe d’égalité de traitement ni l’obligation de transparence qui en découle en procédant à une pondération de ces critères d’attribution sans donner auxdits soumissionnaires accès à une telle pondération avant l’expiration du délai fixé pour la présentation des offres » (point 44).
La CJUE est en revanche plus sévère concernant la modification de la pondération des critères après un examen initial. En effet, « les principes d’égalité de traitement et de transparence des procédures d’adjudication impliquent pour les pouvoirs adjudicateurs l’obligation de s’en tenir à la même interprétation des critères d’attribution tout au long de la procédure (…). S’agissant des critères d’attribution eux-mêmes, il convient d’admettre, à plus forte raison, que ceux-ci ne doivent subir aucune modification au cours de la procédure d’adjudication » (points 59 et 60). Sur ce point, la Cour juge que « l’Irlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du principe d’égalité de traitement et de l’obligation de transparence qui en découle ».
Sources :
- CJUE, 18 novembre 2010, Commission c/ Irlande, aff. C-226/09
- Directive 2004/18 du 31 mars 2004, art. 53