Pas d’atteinte à l’impartialité de l’acheteur en cas de recrutement d’un membre de l’AMO par un candidat
Par une décision en date du 12 septembre 2018, le Conseil d’État a affirmé que si les informations confidentielles qu’un membre de l’AMO aurait éventuellement pu obtenir à l'occasion de sa mission d'assistant à maîtrise d'ouvrage pouvaient, le cas échéant, conférer à son nouvel employeur, candidat au marché public pour lequel la personne publique avait contracté la mission d’AMO, un avantage de nature à rompre l'égalité entre les concurrents et obliger l'acheteur public à prendre les mesures propres à la rétablir, cette circonstance était en elle-même insusceptible d'affecter l'impartialité de l'acheteur public (CE, 12 septembre 2018, no420454, SIOM).
En l’espèce, le Syndicat ordures ménagères de la vallée de Chevreuse (SIOM) a confié au début du mois d'avril 2017 une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage à la société Naldéo afin que cette dernière l’accompagne dans la rédaction et la passation d’un marché de collecte des déchets ménagers et assimilés. À la suite de cette mission d’AMO, une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d’un tel marché a été lancée en novembre 2017. Toutefois, préalablement à la remise des offres fixée au 10 janvier 2018, le chef de projet affecté par la société AMO au projet du SIOM de la vallée de Chevreuse a rejoint en décembre 2017 la société Sepur, désignée par la suite attributaire du lot no 1 du marché.
Arguant d’une atteinte au principe d’impartialité, un concurrent évincé a réussi à obtenir l’annulation de la procédure par le juge administratif du référé précontractuel de Versailles ; ordonnance contre laquelle le SIOM et la société attributaire se sont pourvus cassation et que le Conseil d’État a annulé par la présente décision commentée.
Après avoir rappelé que le principe d’impartialité est un principe général du droit dont la méconnaissance est constitutive d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, le Conseil d’État relève, d’une part, qu’aucun élément n’était de nature à établir que l’AMO avait manqué d’impartialité dans sa mission et, d’autre part, que si des informations avaient pu conférer un avantage au nouvel employeur, ces éléments étaient insusceptibles d’affecter l’impartialité de l’acheteur public et devaient seulement conduire ce dernier à prendre des mesures propres à rétablir l’égalité entre les candidats.
De telles mesures sont prévues par l’article 48 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et par l’article 5 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, l’opérateur candidat ne pouvant être exclu de la procédure de passation que lorsqu’il ne peut être remédié à la situation par d’autres moyens. En l’espèce, le Conseil d’État affirme que l’acheteur n’avait pas à exclure la société désignée titulaire car, d’une part, aucun indice ne lui permettait de soupçonner une telle situation, les déclarations sur l’honneur comprise dans le formulaire DC1 ayant été remplies et, d’autre part, aucune information détenue par le transfuge n’était susceptible d’avantager sa nouvelle société, la société précédemment titulaire du marché ayant refusé de transmettre les données détaillées du marché au motif qu’elles relevaient du secret industriel et commercial.
Cette solution se comprend dès lors que dans cette situation, l’acheteur n’a nullement été influencé par le salarié transfuge. Il en va autrement lorsque le Conseil d’État est confronté à une situation factuelle différente, notamment lorsqu’un acheteur public confie un marché d’AMO impliquant la rédaction du DCE et l’analyse des offres à une personne ayant auparavant été employé par une des sociétés candidates (voir CE, 14 oct. 2015, no390968, région Nord-Pas-de-Calais).
Il reste que cette solution, bien que protectrice pour les acheteurs publics, invite à une certaine prudence lors du choix de son AMO et, plus encore, au cours de la procédure de passation du marché pour lequel la mission d’AMO a été conclue.