Le Code des marchés publics français s’applique-t-il à l’étranger ?
Cette question peut sembler étrange de prime abord. Pourtant, toutes les entités adjudicatrices françaises ne sont pas nécessairement situées sur le territoire national. Or c’est ici que la question de l’application du droit français de la commande publique français prend toute son ampleur.
I. La résolution des conflits de lois dans l’espace
La question de l’applicabilité du Code des marchés publics à l’étranger s’est posée dans une affaire concernant le consulat général de France sis à Djibouti qui souhaitait construire une trésorerie et procéder à la restructuration de ses propres bâtiments (CE, 4 juillet 2008, Société Colas Djibouti, n° 316028). Le Conseil d’État a dû répondre à deux questions : les marchés de travaux nécessaires à l’opération de restructuration du consulat étaient-ils soumis au Code des marchés publics français ? Quelle est la juridiction compétente pour les marchés publics conclus à l’étranger ? Mais avant d’y répondre, le Conseil d’État a dû s’interroger sur l’applicabilité du droit français au consulat général de France basé à Djibouti. Le Conseil d’État pose tout d’abord que, du fait même que le contrat est international, plusieurs lois sont susceptibles de régir le rapport contractuel, c’est ce que l’on appelle « un conflit de lois ». Or, sa résolution sera différente selon que le marché passé à l’étranger sera conclu en territoire communautaire ou extra communautaire.
II. Au sein de l’Union européenne
Parmi les marchés passés à l’étranger, il convient de traiter de façon spécifique les marchés passés au sein du territoire de l’Union européenne. S’il ne fait pas débat que le marché sera un marché public au sens du droit communautaire, il convient toutefois de déterminer quel sera le Code des marchés publics applicable. Celui de l’État où se déroulent les prestations ou celui dont dépend l’entité contractante ? En ce qui concerne les litiges précontractuels, en vertu de la directive « Recours » 2007/66, c’est l’État à l’origine de la consultation qui est compétent. Est donc applicable le droit des marchés publics français et sont compétents les tribunaux français. Pour les litiges d’ordre contractuel, en l’absence de disposition spécifique, on aurait pu penser que le règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (dit Rome I) s’applique aux marchés publics. Il n’en est rien. Comme le mentionne son article 1, 1°, « le présent règlement s’applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale. Il ne s’applique pas, notamment, aux matières fiscales, douanières et administratives ». Sous réserve d’une interprétation jurisprudentielle différente de la Cour de justice de l’Union européenne, les contrats administratifs relèvent donc toujours de la convention de Rome du 19 juin 1980 qui pose que la résolution des conflits de lois dans le temps, en la matière, dépend de la volonté des parties. Par suite, si le contrat ne fait pas explicitement référence à une loi, la présomption sera en faveur de la loi du pays où est situé l’établissement principal du débiteur de la prestation, autrement dit le prestataire étranger.
III. À l’extérieur des territoires de l’Union européenne
Aucune disposition du Code des marchés publics ne prévoit son application aux marchés passés à l’étranger et, dans cette hypothèse, le droit européen des marchés publics ne s’y applique pas non plus. Par l’arrêt Société Colas Djibouti du 4 juillet 2008, le Conseil d’État apporte une solution. Il limite la portée extraterritoriale du droit des marchés publics, en l’absence de disposition expresse figurant dans le Code des marchés publics sur ce sujet, à la volonté de la personne publique de se soumettre elle-même à ce texte et ce, dans la mesure où un tribunal français est saisi : « Considérant que le contrat litigieux, qui devait être signé et exécuté en dehors du territoire français, n’était soumis au Code des marchés public, ni par application de ce code, ni par la volonté de la personne publique ; qu’il ne constituait pas non plus un marché public au sens du droit communautaire ; qu’il ne pouvait, dès lors, être regardé comme un marché public ». En dehors des cas de figures évoqués par le Conseil d’État, le contrat sera donc considéré comme un contrat privé, régi par les dispositions du droit international privé. Sources :
- CE, 4 juillet 2008, Société Colas Djibouti, n° 316028
- Directive n° 2007/66 du 11 décembre 2007
- Règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008