Le Conseil d’État autorise l'indemnisation du manque à gagner lié à un retard de travaux
Le titulaire d'un marché doit être indemnisé en cas de retard des travaux dû au maître d'ouvrage ou à l'un de ses cocontractants. Il peut même être indemnisé d'un éventuel manque à gagner causé par ce retard. C'est ce qu'il ressort d'un arrêt du Conseil d’État publié le 13 juin.
L'affaire remonte à 1996 : la société Fouchard avait été chargée avec d'autres entreprises de la construction d'un nouveau bâtiment du centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil. La société Fouchard était titulaire du lot « second œuvre agencement » du marché. Or, des retards imputables au groupement de maîtrise d’œuvre ont entraîné un allongement des travaux, occasionnant un manque à gagner pour l'entreprise. Celle-ci a alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une « demande d'indemnisation des surcoûts ayant résulté pour elle de l'allongement de la durée du chantier ».
Le tribunal administratif a, dans un premier temps, condamné le centre hospitalier ainsi que le groupement de maîtrise d’œuvre à indemniser la société Fouchard. Saisie à son tour, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le 8 juillet 2010 qu'en cas de retard des travaux, le titulaire d'un lot du marché était en droit de réclamer une indemnisation, comme le prévoit l'article 49-1 du CCAG Travaux.
Cependant, cette indemnisation ne concerne pas l'écart de bénéfices au regard du chiffre d'affaire escompté. « Seuls peuvent être pris en compte les préjudices subis par l'entreprise du fait de la prolongation du chantier au-delà de la durée contractuelle », juge alors la cour administrative d'appel, qu'il s'agisse de frais de garde du chantier ou de participation à des réunions supplémentaires... En revanche, « le retard dans le calendrier d'avancement du chantier qu'a connu l'entreprise fin 1996, survenu hors de la période de dysfonctionnement du chantier, ne saurait ouvrir droit à réparation », conclut la cour, qui réduit alors le montant de l'indemnisation.
Cette méthode d'indemnisation du titulaire d'un marché ressortait déjà de l'arrêt n° 323485, Commune de La Seyne-sur-Mer, rendu par le Conseil d’État le 27 octobre 2010. « L'entrepreneur qui conserve la garde du chantier a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu'il aura éventuellement subi du fait d'un ajournement [des travaux] », indiquait le Conseil d’État.
Mais dans sa décision du 13 juin dernier, Société Fouchard, le Conseil d’État va plus loin : « La société titulaire d'un marché public a droit à l'indemnisation intégrale des préjudices subis du fait de retards dans l'exécution du marché imputables au maître de l'ouvrage ou à ses autres cocontractants et distincts de l'allongement de la durée du chantier lié à la réalisation de travaux supplémentaires, dès lors que ce préjudice apparaît certain et présente avec ces retards un lien de causalité directe », estime-t-il. Ce qui signifie que le remboursement de frais, autres que ceux liés à l'allongement de la durée du chantier, peuvent être réclamés.
En l'espèce, le Conseil d’État a jugé que le motif invoqué par la cour de Versailles – des retards intervenus hors de la période de dysfonctionnement du chantier – ne faisait pas obstacle à l'indemnisation des pertes subies sur le chiffre d'affaires prévu. La cour administrative d'appel ayant insuffisamment motivé son arrêt, la société Fouchard a donc bénéficié d'une indemnisation supplémentaire.
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