Le seuil de 4 000 € passe à 15 000 € et le Gouvernement choisit une nouvelle fois le relèvement par décret

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François Fillon l'avait annoncé lors d’un déplacement à Clisson en Loire-Atlantique (44) le 14 novembre, c'est désormais chose faite. Un décret, applicable immédiatement, relève à 15 000 € le seuil au-delà duquel les marchés publics doivent obligatoirement faire l'objet de mesures de publicité et de mise en concurrence et a été publié au Journal officiel du 11 décembre. La mesure prend ainsi de court la proposition de loi du député Jean-Luc Warsmann, dont l'une des mesures-phares était le relèvement de ce seuil à 15 000 €.

Alors que le Conseil d’État l'avait rétabli à 4 000 € par l'arrêt Perez depuis mai 2010, c'est donc la seconde fois que le Gouvernement prend l'initiative de modifier ce seuil. La première tentative remonte au mois de décembre 2008. Dans le cadre du plan de relance de l'économie, le Gouvernement avait décidé, par décret, de relever de 4 000 à 20 000 € le montant maximum permettant aux marchés d'être passés sans publicité ni mise en concurrence. Coup de théâtre en 2010 : le décret est annulé par le Conseil d’État qui estime que « le pouvoir réglementaire a méconnu les principes d'égalité d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ». Pour les acheteurs, c'est le retour au seuil de 4 000 €.

Depuis, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer la décision du Conseil d’État, plus particulièrement parmi les petites et moyennes entreprises, que ce seuil contraint à répondre à davantage de procédures. Régulièrement interpellé sur la question, le ministère de l’Économie n'en démord pas : pas question de relever à nouveau le seuil par décret au risque de se voir à nouveau censuré par le Conseil d’État. La directrice des Affaires juridiques de Bercy, Catherine Bergeal, affirmait elle-même en juillet 2011 qu'« il n’est [...] pas possible de relever à nouveau ce seuil revenu à 4 000 € pour les pouvoirs adjudicateurs par décret ». La proposition de loi Warsmann sur la simplification du droit et l'allègement des démarches administratives semblait alors toute indiquée pour relever le seuil.

La méthode employée par le Gouvernement peut donc surprendre : ce nouveau décret risque-t-il l'annulation par le Conseil d’État ? Cette fois, le pouvoir réglementaire s'est montré extrêmement prudent dans la rédaction du décret n° 2011-1853, puisqu'il a tenu compte d'un avis émis par le Conseil d'État sur la proposition de loi Warsmann. De plus, l'article 3 réorganise l'article 28 du Code des marchés publics, relatif au seuil de la procédure adaptée, en tirant, a priori, les enseignements de l'arrêt Perez. En effet, le Conseil d’État affirmait dans sa décision que les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ne faisaient pas obstacle à ce que le pouvoir adjudicateur se passe de publicité et de mise en concurrence « dans les seuls cas où il apparaît que de telles formalités sont impossibles ou manifestement inutiles notamment en raison de l'objet du marché, de son montant ou du degré de concurrence dans le secteur considéré ». Cette possibilité est inscrite dans le Code des marchés publics depuis le décret n° 2011-1000 du 25 août dernier. L'autre possibilité de dispense de procédures étant de passer un marché d'un montant inférieur à 15 000 €.

Mais là encore, le législateur prend ses précautions. Le décret dispose en effet que le pouvoir adjudicateur qui passe un marché de moins de 15 000 € sans publicité ni mise en concurrence « veille à choisir une offre répondant de manière pertinente au besoin, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire lorsqu'il existe une pluralité d'offres potentielles susceptibles de répondre au besoin ». Ces précisions seront-elles jugées suffisantes par le Conseil d’État ? Le Gouvernement évitera-t-il une nouvelle annulation de ce seuil ? La suite sans aucun doute l'année prochaine...

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