Les marchés d’assurance des collectivités locales
Le contrat d’assurance est régi par le Code des assurances s'il a été conclu par une société d'assurance, par le Code de la mutualité s'il a été conclu par une mutuelle, ou par le Code de la sécurité sociale s'il a été conclu par une institution de prévoyance. Le contrat d'assurance est une convention par laquelle l'assureur s'engage à verser à l'assuré une somme d'argent réparant le préjudice subi en cas de survenance d'un sinistre, défini en échange du paiement d'une prime, en général annuelle.
Le marché public d’assurance, sous réserve de respecter les dispositions d’ordre public des codes précités, est régi par le Code des marchés publics. Nous étudierons dans un premier temps le besoin en matière d’assurance pour une collectivité et ce que cela implique (I), puis les spécificités procédurales propres aux marchés d’assurances (II) ainsi que le particularisme contractuel inhérent au droit des assurances auquel le pouvoir adjudicateur doit s’adapter dans la rédaction des cahiers des charges (III).
I. Les collectivités et le besoin d’assurance
Les collectivités ne peuvent plus se permettre l’économie d’une réflexion sur leurs besoins en matière d’assurance. La crise économique oblige à optimiser les ressources financières, et les collectivités ne peuvent plus payer des cotisations d’assurance sans se soucier d'éventuelles lacunes de garantie ou des franchises, ni même s'il n’est pas plus avantageux de ne pas s’assurer pour certains risques. À noter cependant que l’auto-assurance n’est possible que si l’assurance n’est pas obligatoire en vertu de la loi, il est de plus conseillé dans ce cas de provisionner au budget de la collectivité les sinistres éventuels. Une véritable stratégie d’assurance doit donc être mise en œuvre, et ce d’autant plus que le monde de l’assurance se désengage globalement de la couverture des risques des collectivités à la sinistralité dégradée.Le spectre des besoins en matière d’assurance est assez vaste. La collectivité peut vouloir se garantir des risques pouvant affecter son patrimoine immobilier ou sa flotte automobile par une « police dommages aux biens ». En revanche, elle a l'obligation de se prémunir tant au titre de sa responsabilité civile générale qu’au titre de sa responsabilité civile automobile. Certaines collectivités ou établissements publics qui gèrent des stations d’épuration ou de traitement d’eau ou de déchets pourront utilement souscrire à une responsabilité civile spéciale environnement.Deux autres risques demandent une analyse et un arbitrage entre auto-assurance et marchés d’assurance. Il s'agit du risque contentieux, qui devient de plus en plus important avec l’extension des domaines de compétence attribués aux collectivités. Ces dernières peuvent ainsi souscrire à une « police de protection juridique » qui prendra en charge les frais de justice, en particulier les frais d’avocats, et le risque statutaire lié aux personnels de la collectivité lorsque celui-ci n’est pas pris en charge par un centre de gestion.Une stratégie en matière d’assurance implique une bonne connaissance de ce que l’on souhaite assurer, autrement dit, en droit des assurances, la « masse assurable », et de la sinistralité qui l’a affectée dans le passé, c'est-à-dire le nombre et l’importance des sinistres concernant cette masse assurable. Ce n’est qu’en présence de cet état des lieux qu’une collectivité pourra se prononcer sur l’opportunité de s'auto-assurer plutôt que de souscrire une police. L’audit et le conseil sont donc bienvenus dans un domaine aussi spécialisé.
II. Les spécificités procédurales des contrats d’assurance
Les marchés d’assurance relèvent de l’article 29, alinéa 6 du Code des marchés publics, c'est-à-dire du régime général des marchés de services. En ce qui concerne la computation des seuils, celle-ci peut se faire en distinguant chaque police d’assurance visant un risque homogène. Cependant, si la collectivité lance une consultation en allotissant celle-ci en fonction de polices différentes, c’est le montant global de la consultation qu'il faudra prendre en compte. À savoir que la valeur estimée à prendre en considération pour un marché d’assurance est le cumul estimé des primes annuelles de celui-ci.Un deuxième particularisme à prendre en compte en terme procédural concerne la présence de professionnels indépendants d’assurance et d’intermédiaires qui peuvent soumissionner lors d’une consultation. Il faudra prendre garde à ce que le formalisme de présentation d’une candidature respecte le fait que le titulaire du marché sera l’entreprise qui porte le risque et non le courtier ou l’agent d’assurances, lesquels ne peuvent agir qu’en tant que mandataires (ces derniers sont à distinguer, toutefois, du mandataire éventuel d’un groupement d’opérateurs visé par l’article 51 du Code des marchés publics). La circulaire du 24 décembre 2007 sur la passation des marchés publics d’assurances, en son titre II, donne des précisions sur le rôle des intermédiaires. La présence du mandat devra être vérifiée dans les pièces de la candidature. De même, la coassurance, pratique courante consistant en ce que plusieurs sociétés d’assurance s’associent pour des raisons de trésorerie pour pouvoir garantir un même risque, devra prendre la forme d’un groupement conjoint et non d’un groupement solidaire. Dans ce cadre, le mandataire du groupement au sens du Code des marchés publics est l’apériteur au sens du droit des assurances, c'est-à-dire la compagnie d’assurance qui prend l’initiative de la coassurance.
III. Le particularisme contractuel des contrats d’assurance à l’aune du droit des marchés publics
Tout d’abord, il convient de souligner que le commencement d’exécution d’un marché public d’assurance ne peut intervenir qu’à compter de la notification du marché ; celui-ci ne peut être anticipé par le biais d’une note de couverture.En droit des assurances, la note de couverture est un écrit provisoire constatant l'existence et les modalités d'une garantie avant l'établissement de la police ou de l'avenant. Elle est délivrée par l'assureur ou un intermédiaire et permet à l'assuré d'être immédiatement garanti sans attendre la rédaction définitive de la police.Les assureurs ont tendance à vouloir imposer leurs conditions générales, alors que dans un marché public, seules les pièces contractuelles, mentionnées comme telles dans le cahier des clauses particulières, le sont. Il convient d’être vigilant sur ce point et de ne pas faire signer à l’exécutif de conditions générales au surplus des pièces constituant le marché public.Il est possible de prévoir dans les pièces contractuelles constituant le marché ces fameuses conditions générales. Cependant, si le procédé enlève de la complexité en terme de rédaction du cahier des charges, il rend très difficile l’analyse des offres sauf à avoir recours à un professionnel pour cela.Classiquement, la prime d’assurance annuelle est réglée en fonction de la masse assurée, ce qui pose la question de l’adaptation de celle-ci en cours d’exécution du marché public d’assurance. L’avenant semble être la meilleure solution pour modifier la masse assurable. Il est est de même, lorsque l’assureur, en vertu des dispositions d’ordre public de l’article L. 113-4 du Code des assurances, décide, en cours d’exécution du marché, d’augmenter la prime pour aggravation du risque. De la même façon, l’assuré a droit, en cas de diminution du risque, en cours de contrat, à une diminution du montant de la prime.D’autres dispositions d’ordre public s’imposent et dérogent au cahier des clauses générales de fournitures courantes et services auquel on soumet parfois les marchés publics d’assurance. Ainsi, l’article L. 113-4 du Code des assurances déroge aux modalités classiques de résiliation. En effet, en vertu de cet article, « en cas d'aggravation du risque en cours de contrat, telle que, si les circonstances nouvelles avaient été déclarées lors de la conclusion ou du renouvellement du contrat, l'assureur n'aurait pas contracté ou ne l'aurait fait que moyennant une prime plus élevée, l'assureur a la faculté soit de dénoncer le contrat, soit de proposer un nouveau montant de prime. Dans le premier cas, la résiliation ne peut prendre effet que dix jours après notification et l'assureur doit alors rembourser à l'assuré la portion de prime ou de cotisation afférente à la période pendant laquelle le risque n'a pas couru. Dans le second cas, si l'assuré ne donne pas suite à la proposition de l'assureur ou s'il refuse expressément le nouveau montant, dans le délai de trente jours à compter de la proposition, l'assureur peut résilier le contrat au terme de ce délai, à condition d'avoir informé l'assuré de cette faculté, en la faisant figurer en caractères apparents dans la lettre de proposition ».De façon générale, il faut savoir qu’en vertu de l’article L. 111-2 du Code des assurances, dans un souci de protection des assurés, la majorité des dispositions du Code des assurances sont d’ordre public : il n’est donc pas possible aux parties d’y déroger, sous peine de nullité.Sources :