PCN pour la passation des marchés publics d’assurances ? Assurément !
Par une ordonnance du 19 juillet 2018, le tribunal dijonnais a validé le recours à la procédure concurrentielle avec négociation (ci-après « PCN ») pour un marché public d’assurance - responsabilité hospitalière. Cette décision devrait rassurer les acheteurs qui utilisent les procédures dérogatoires à l’appel d’offres.
Les prestations d’assurance sont régies par le Code des assurances. Les dispositions de ce code fixent des règles impératives qui limitent les possibilités des assureurs qui soumissionnent aux consultations publiques.
La pratique des assureurs révèle qu’il n’existe pas de contrat d’assurance-type ou « sur étagère » qui répondrait aux besoins assurantiels des acheteurs publics, de sorte qu’il est nécessaire de procéder à une adaptation entre « l’offre et la demande », en d’autres termes entre les contrats d’adhésion des assureurs et les besoins des acheteurs : « […] la pratique des assurances conduit fréquemment l'assuré soit à se voir proposer un contrat d'adhésion, soit à mettre au point avec l'entreprise d'assurance ou son mandataire les clauses du contrat. Aussi, l'adéquation entre les besoins du pouvoir adjudicateur, tels qu'ils sont strictement déterminés par le dossier de consultation, et les offres que les candidats peuvent remettre compte tenu de leur pratique et de leurs contraintes, n'est-elle pas nécessairement immédiatement acquise » (circ., 24 déc. 2007 relative à la passation des marchés publics d'assurances, VII.B.).
Conscient que la procédure d’appel d’offres n’était pas adaptée aux spécificités du droit assurantiel, la circulaire précitée rappelait aux acheteurs qu’ils avaient la possibilité dans leur consultation d’autoriser les assureurs à émettre des réserves et des amendements au cahier des charges : « L'acheteur public doit donc veiller, dans la mesure du possible, à rechercher cette adéquation par un cahier des charges adapté aux capacités et aux pratiques du marché de l'assurance. Dans la mesure où des réserves ou des amendements seraient portés par les candidats aux clauses du cahier des charges, il importe d'apprécier leur incidence – notamment économique – par rapport à l'ensemble de l'offre, afin de déterminer s'ils sont susceptibles de rendre cette dernière irrégulière ».
Si, dans le cadre d’un appel d’offres classique, toutes les dérogations du candidat aux prescriptions du cahier des charges pourraient emporter le rejet de son offre pour irrégularité en vertu de l’article 59 du décret n° 2016-360 relatif aux marchés publics, les réserves et amendements au cahier des charges formulés par l’assureur-candidat n’entachent pas de facto leur offre d’irrégularité. En effet, l’acheteur doit analyser l’incidence économique de la ou des réserves émises par le soumissionnaire pour se prononcer sur la régularité de l’offre.
Dans l’ordonnance commentée, le GHT de la Nièvre avait lancé son marché public d’assurances (responsabilité hospitalière et protection juridique) en recourant à la PCN (D. n°2016-360, art. 25 II, 5°). Le BEAH, concurrent évincé, a saisi le juge du référé précontractuel afin d’obtenir l’annulation de la procédure de passation. L’un des moyens soulevés par le BEAH était tiré du recours irrégulier à la PCN.
Le tribunal devait donc se prononcer sur la question de savoir si le GHT avait pu légalement recourir à la PCN pour les prestations litigieuses.
En opérant une substitution de motifs, le tribunal répond par l’affirmative : « Dès lors, si des cahiers des charges ont été rédigés par un assistant à la maîtrise d’ouvrage pour exprimer les besoins des divers types d’établissements composant le groupement hospitalier, il n’est pas démontré que ces documents pouvaient permettre à eux seuls la présentation d’offres standard d’assurances déjà disponibles, sans adaptations de celles-ci, tant dans leur prix que dans leurs modalités, eu égard à la complexité du montage juridique et financier à opérer, que ce soit pour le groupement hospitalier ou les candidats. Il y avait nécessité d’adapter les solutions proposées, qui pouvaient contenir des réserves ou variantes, aux niveaux des risques, aux besoins exprimés et aux possibilités financières de chacun des établissements » (TA Dijon, ord. 19 juillet 2018, n° 1801667, BEAH c/CH de Nevers).
Pour mémoire, l’article 25 II du décret n° 2016-360 énumère limitativement les hypothèses permettant de recourir au dialogue compétitif et à la PCN.
Deux hypothèses permettent de recourir à la PCN pour les marchés publics d’assurances (responsabilité hospitalière), à savoir :
- « 1° Lorsque le besoin ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles » ;
- « 4° Lorsque le marché public ne peut être attribué sans négociation préalable du fait de circonstances particulières liées à sa nature, à sa complexité ou au montage juridique et financier ou en raison des risques qui s'y rattachent ».
Aussi, la PCN donne un fondement légal à l’ancien système de « l’appel d’offres avec réserves ».
Avec cette ordonnance, les acheteurs pourront plus sereinement recourir à la PCN. Ils devront juste s’assurer qu’ils entrent dans les clous d’une des hypothèses listées à l’article 25 II du décret n° 2016-360.
Sources :
- TA Dijon, 19 juillet 2018, n° 1801667, BEAH c/CH de Nevers
- D. n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 59 et 25 II
- Circulaire du 24 décembre 2007 relative à la passation des marchés publics d'assurances
- Rép. min. n° 4001 : JOAN, 6 mars 2018, Firmin Le Bodo A.