Les obligations de dématérialisation

Par Laurent Chomard

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La dématérialisation, ou passation électronique des marchés publics, désigne « l'utilisation, par les pouvoirs publics et autres entités du secteur public, de moyens électroniques de communication et de traitement des transactions, pour l'achat de fournitures ou de services ou pour la passation de marchés publics de travaux » (Livre vert de la Commission européenne du 18 octobre 2010, p. 2). Elle est perçue comme le moyen privilégié d’amélioration de l’efficacité de l’achat public. Objectif communautaire, la dématérialisation s’inscrit dans le Code des marchés publics qui pose diverses obligations, tant en procédure adaptée qu’en procédure formalisée au moyen d’outils comme le profil d’acheteur ou la signature électronique.

La dématérialisation, un objectif communautaire

La dématérialisation n’est pas encore une pratique développée au niveau des petites collectivités. Et pour cause, elle nécessite des moyens humains et matériels que les collectivités ont du mal à mobiliser pour les quelques occasions où celle-ci s’avère nécessaire. En 2005, les ministres de l'Union européenne (UE) avaient exprimé l'espoir, dans la déclaration ministérielle de Manchester, que : « D’ici à 2010, toutes les administrations européennes [soient] capables de mener la totalité de leurs achats publics en ligne et [que] au moins la moitié de leurs achats publics au-dessus du seuil européen [soient] effectuées en ligne ». Or, « selon une évaluation réalisée par la Commission, dans les États membres précurseurs, moins de 5 % des contrats d'achats sont attribués au moyen de systèmes électroniques » (Livre vert de la commission européenne du 18 octobre 2010, p. 2). L’objectif n’est pas encore atteint, c’est pourquoi les instances communautaires viennent de publier un livre vert sur le développement des marchés publics électroniques dans l'UE qui fait le point sur la dématérialisation. Ce livre vert se veut « la première étape vers un examen coordonné, ambitieux et complet des dispositions actuelles de l'UE en matière de marchés publics » afin de poser les termes d’une révision des directives européennes en matière de dématérialisation.

Les outils de la dématérialisation : profil d’acheteur et signature électronique

Avant d’aborder les obligations incombant aux acheteurs publics en termes de dématérialisation, il nous faut parler des outils incontournables de la dématérialisation que sont le profil d’acheteur et la signature électronique. Le profil d’acheteur « est le site dématérialisé auquel le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a recours pour ses achats », « c’est une “salle des marchés” ou une “place de marchés” virtuelles » (Guide pratique de la dématérialisation, octobre 2010) devant au minimum permettre la mise en ligne des avis d’appel public à la concurrence et des dossiers de consultation, mais aussi permettre la réception des candidatures et des offres électroniques de manière sécurisée et confidentielle. Aussi, la plupart du temps, le site internet de la collectivité ne peut être qualifié de profil d’acheteur. La signature électronique est définie par l’article 1316-4, alinéa 2, du Code civil : « Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ». Le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 distingue deux types de signature électronique : la signature électronique « simple » la signature électronique « sécurisée ». La signature électronique « simple » garantit le lien entre l’identification du signataire et l’acte auquel elle s’attache. Ce type de signature est généralement utilisé en matière de marchés publics. La signature électronique « sécurisée » utilise un certificat électronique « qualifié », délivré selon une procédure de qualification définie par un organisme accrédité par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informations (ANSSI) ou une instance européenne équivalente. Il en résulte une présomption de fiabilité ayant pour conséquence que la charge de la preuve d’une non-conformité incombe aux acheteurs publics, contrairement à l’emploi d’une signature électronique simple.

Les obligations de dématérialisation en procédure adaptée

  • Obligation de publier un avis d’appel public à la concurrence sur un profil d’acheteur pour tout marché supérieur à 90 000 € HT (CMP, art. 40-III et IV) ;
  • Obligation de publier le dossier de consultation sur un profil d’acheteur pour tout marché supérieur à 90 000 € HT (CMP, art. 41, dernier alinéa) ;
  • Obligation d’indiquer dans l’avis d’appel public à la concurrence le mode de transmission choisi (papier ou électronique) des documents devant être fournis par les candidats (CMP, art. 56-I) ;
  • Possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’imposer la transmission des candidatures et des offres par voie électronique (CMP, art. 56-II, al. 1er) ;
  • Pour les achats de fournitures de matériels informatiques et de services informatiques d’un montant supérieur à 90 000 € HT, obligation pour les candidats de transmettre leur candidature et leur offre par voie électronique (CMP, art. 56-II, al. 2) ;
  • À compter du 1er janvier 2012, obligation du pouvoir adjudicateur, pour les achats supérieurs à 90 000 € HT, de pouvoir recevoir les candidatures et les offres par voie électronique (CMP, art. 56-III) ;
  • Possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’imposer la signature électronique des candidatures et des offres transmises électroniquement ou de les accepter non signées électroniquement et demander de les signer une fois dématérialisées ; ce choix est mentionné dans le règlement de consultation (Guide pratique de la dématérialisation, p. 38).

Les obligations de dématérialisation en procédure formalisée

  • Obligation de publier un avis d’appel public à la concurrence et le dossier de consultation sur un profil d’acheteur pour tout marché supérieur à 90 000 € HT (CMP, art. 40-III et IV) ;
  • Obligation d’indiquer dans l’avis d’appel public à la concurrence le mode de transmission préféré (papier ou électronique) des documents devant être fournis par les candidats (CMP, art. 56-I) ;
  • Possibilité pour le pouvoir adjudicateur d’imposer la transmission des candidatures et des offres par voie électronique (CMP, art. 56-II, al. 1er) ;
  • Depuis le 1er janvier 2005, obligation pour le pouvoir adjudicateur d’être en mesure de recevoir les candidatures et les offres par voie électronique (CMP, art. 56-I, dernier alinéa) ;
  • Signature électronique des candidatures et des offres transmises électroniquement (CMP, art. 48-I).

Sources :