L’obligation de résultat dans les marchés publics
Pacta sunt servanda, les conventions doivent être respectées (Les Décrétales de Grégoire IX, I, 35, 1 ; C. civ., art. 1134). Cette loi entre les parties que sont les conventions s’est vue tempérée par le développement d’obligations que celles-ci n’avaient pas initialement prévues. Hier le juge civil et aujourd’hui le juge administratif n’hésitent plus à dégager par interprétation du contrat des obligations tantôt de résultat, tantôt de moyens.
Mais comment appréhender l’obligation de résultat dans un marché public ? C’est pour répondre à cette question que nous étudierons tout d’abord la distinction fondamentale entre l'obligation de moyens et l'obligation de résultat (I). Puis, nous aborderons l'intégration de l'obligation de résultat au contrat soit par l’objet même du marché (II), soit par mention expresse dans celui-ci (III).
I. La distinction entre obligation de moyens et obligation de résultat
C’est la jurisprudence civiliste qui, à partir des articles 1137 et 1147 du Code civil, a développé la distinction fondamentale entre obligation de résultat et obligation de moyens. Le juge, se fondant sur ces articles, dégage par interprétation du contrat des obligations et, en conséquence, la charge de la preuve qui en résulte. L’obligation de moyens est l’obligation par laquelle « le débiteur s’engage seulement à employer les moyens appropriés dans une tâche à accomplir, qui permettront au créancier d’atteindre le résultat qu’il souhaite mais ce résultat n’est en rien garanti par le débiteur » (F. Terré, P. Simler et J. Lequette, Droit civil – Les obligations, Dalloz, 1999, n° 429). La charge de la preuve appartient alors au demandeur, c'est-à-dire l’acheteur, qui devra prouver le manquement du titulaire du marché. L’obligation de résultat est celle au contraire par laquelle le débiteur s’engage à atteindre un résultat précis et vérifiable. L’obligation de résultat permet alors à l’acheteur de mettre en jeu la responsabilité du titulaire du marché par simple constatation que le résultat n’est pas atteint. C’est le titulaire qui devra démontrer qu’il n’est pas responsable du non-respect de ses obligations contractuelles. Un même contrat peut, malgré cette nette distinction entre obligations de moyens et de résultat, comporter à la fois une ou plusieurs obligations de résultat et une ou plusieurs obligations de moyens. Ainsi et par exemple, le maître d'œuvre est tenu à la fois à une obligation de résultat (à compter de la réception de l'ouvrage) et à un devoir de conseil (avant la réception de l'ouvrage).
II. L’obligation de résultat inhérente à l’objet du marché
Les marchés de maîtrise d’œuvre, de contrôle technique et de travaux comportent, par l’objet même du marché, une obligation de résultat. En effet, ces différentes prestations ont pour objet la construction d’un ouvrage, or l’obligation de garantie décennale qui s’impose aux constructeurs conformément aux articles 1792 et suivants du Code civil est une obligation de résultat en vertu de laquelle l’ouvrage doit être conforme aux stipulations contractuelles et exempt de vices.Ainsi, la cour administrative d’appel de Douai, par une décision en date du 24 mars 2011, a jugé « qu'il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie décennale s'impose, en vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du Code civil, non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par contrat au maître de l'ouvrage ; que la circonstance que le contrôleur technique a une activité distincte de celle du concepteur de l'ouvrage ne peut avoir pour effet de décharger ledit contrôleur, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de l'obligation de résultat qui lui incombe au regard de sa propre mission et dont il ne peut s'exonérer qu'en cas de force majeure ou de faute du maître de l'ouvrage ». La cour administrative d'appel de Nantes a de son côté rendu une décision le 6 juin 2013 par laquelle la maîtrise d’œuvre est tenue à une obligation de résultat dans l’accomplissement de sa mission de diagnostic : « Cette société a failli à sa mission de diagnostic [...] ; la société OTH Ouest était tenue à une obligation de résultat à l'égard du maître de l'ouvrage ».Il est enfin à noter que, par définition, les marchés prévus par l’article 73 du Code des marchés publics sont des marchés comportant des obligations de résultat. En effet, selon cet article, « les marchés de réalisation et d'exploitation ou de maintenance sont des marchés publics qui associent l'exploitation ou la maintenance à la réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance définis notamment en termes de niveau d'activité, de qualité de service, d'efficacité énergétique ou d'incidence écologique. Ils comportent des engagements de performance mesurables ».
III. L’obligation de résultat par mention expresse dans le cahier des charges
Hormis les cas où, par définition, une obligation de résultat ressort de l’objet même du marché, l’acheteur peut utilement introduire une obligation de résultat dans son cahier des charges. Tant les marchés de prestations intellectuelles que les marchés de fournitures peuvent prévoir une obligation de résultat, même s'ils ne s’y prêtent guère.Dans le cas des marchés portant sur des prestations intellectuelles, ceux-ci ont pour objet une étude, un travail de conception intellectuelle faisant appel à la « matière grise » et sanctionné par une réception. Si les prestations ne sont pas conformes aux stipulations contractuelles, le pouvoir adjudicateur ne les réceptionne pas ou les réceptionne avec réfaction. Le pouvoir adjudicateur peut être tenté néanmoins d’introduire une obligation de résultat lorsque cette étude ou ce travail intellectuel a pour but d’atteindre un objectif.Sauf que le titulaire d’un marché ne peut se voir contraint à une obligation de résultat alors même que l’obligation serait soumise à des aléas. L’obligation de résultat mise à la charge d’un opérateur économique nécessite que celui-ci puisse en garantir le résultat. Le médecin, par exemple, ne peut garantir la guérison. Il est à noter que les seuls résultats mentionnés dans le cahier des clauses administratives générales relatif aux prestations intellectuelles (CCAG PI) correspondent aux éléments matériels, quelles qu'en soient la forme et la nature, qui résultent de l’exécution du marché et non des objectifs à atteindre.Pour les marchés de fournitures, le mécanisme même de la réception rend inutile une obligation de résultat sauf à se confondre avec une garantie pour vices cachés.Les marchés de services en revanche sont propices à ce genre de clauses. En particulier dans les marchés de maintenance, le pouvoir adjudicateur aura intérêt à fixer des objectifs et des résultats attendus dans le cadre de véritables « contrats de résultats ». Le contrat d’entretien pourra fixer des taux de disponibilité de tel ou tel type de matériels, le contrat de nettoyage pourra exiger tel ou tel niveau moyen de propreté à respecter, etc.Sources :