Pas de préférence locale en Grèce, même en période de crise ! Quid de la France ?
Crise économique ou pas, pour la Commission européenne, l'accès aux marchés publics européens doit demeurer équitable pour tous ! Elle n'hésite pas à faire savoir à la Grèce, actuellement en plein cyclone économique, qu'il n'est pas possible d'introduire des critères discriminatoires (telle que la préférence locale) dans un marché public.
Dans un communiqué publié le 27 octobre, la Commission adresse donc un avis motivé à la Grèce, à la suite de l'acquisition d'un système informatique pour la fondation pour la sécurité sociale (IKA). En 2009, cette fondation a lancé « un marché public ouvert pour la fourniture de services d'exploitation d'un système informatique », d'un montant de 7,5 millions d'euros.
L'appel d'offres indiquait dans ses critères de sélection que les soumissionnaires devaient justifier du succès dans la mise en œuvre de contrats similaires en Grèce. Inadmissible pour la Commission, qui rappelle que « selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent pas imposer de condition entraînant une discrimination directe ou indirecte (telle que la préférence locale) à l’encontre de soumissionnaires potentiels ». La Commission estime donc que la possibilité d'obtenir le meilleur rapport qualité-prix pour ce marché n'a pas été exploitée. La Grèce dispose désormais de deux mois pour justifier son choix, avant qu'une procédure ne soit lancée devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
Cet avis motivé de la Commission rappelle que l'Union européenne s'est toujours montrée intransigeante avec les critères de préférences locales, jugés contraires au droit européen. En France pourtant, la dernière réforme du Code des marchés publics a étendu la possibilité d'accorder une préférence aux entreprises favorisant les circuits courts pour les produits de l'agriculture.
L'article 53 prévoit en effet que, pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde soit, compte tenu de l'objet du marché, sur le seul critère du prix, soit « sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché ». Et parmi ces critères, le ministère de l’Économie y a ajouté les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture.
Pour la direction des Affaires juridiques du ministère de l’Économie, l'objectif est « de rapatrier de la valeur ajoutée pour les agriculteurs en diminuant le coût des intermédiaires et de préserver l’environnement en limitant le déplacement des produits et le recours aux plateformes de répartition ». Meilleure rémunération des agriculteurs et objectif de développement durable : deux critères de sélection que les acheteurs essayaient régulièrement de mettre en avant pour justifier une préférence locale, jusque-là jugée contraire au droit des marchés publics.
Mais l'introduction de la préférence pour les circuits courts en matière de produits agricoles risque de se trouver dans le collimateur de Bruxelles. L'avis motivé adressé à la Grèce le rappelle : les marchés publics doivent assurer une parfaite équité entre les candidats. Reste à savoir combien de temps la France pourra défendre l'article 53 du code. En mai dernier, la CJUE avait déjà adressé un avertissement à la France, avant même que la nouvelle version du code n'élargisse la portée de l'article 53.
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