À qui revient le calcul de la révision des prix ? Au titulaire du marché ou à l’acheteur public ?
Dans une question écrite, le sénateur Yannick Botrel demande au ministre de la Cohésion des Territoires si les collectivités, dans le cadre d’un marché public, doivent en lieu et place des titulaires procéder à la révision des prix. Le ministre répond par l’affirmative : le comptable public dans le cadre de ses contrôles pouvant demander à la collectivité, ordonnateur, de procéder à cette révision.
Le sénateur Yannick Botrel souligne une discordance au sujet de la révision des prix dans les marchés publics, entre ce que prévoit le CCAG Travaux et ce qu’indique le Trésor public à certaines collectivités.
En effet, il précise que le CCAG Travaux prévoit que la révision des prix est « produite par le titulaire du marché ».
Or, il note que le Trésor public a donné consignes à certaines collectivités en leur demandant de procéder elles-mêmes à la révision des prix afin de les « appliquer lors du règlement des factures » et en conséquence de pallier au manquement du titulaire. Le Trésor public s’appuie sur la mise en débet que peut encourir le comptable public en cas d’absence de règlement des sommes dues aux titulaires des marchés.
Cette pratique est donc contestée par certains acheteurs, chargés désormais d’un travail qui ne leur incombe pas et qui récompense le titulaire d’une mission qui ne réalise pas. Selon le sénateur, cette pratique serait même concurrentielle à « certains cabinets comptables en charge de calculer les révisions des prix pour leurs clients ».
Le sénateur demande donc au ministre de l’Action et des Comptes publics (la question a été transmise !) à qui revient le calcul de la révision des prix : au titulaire ou à la collectivité ?
Le ministre indique ainsi que la révision des prix a été instituée afin de garantir l’équilibre économique du marché, équilibre voulu contractuellement par l’acheteur et par le titulaire. De ce fait, la révision est un droit pour le titulaire du marché. En effet, le prix dans un marché public est un élément substantiel du contrat puisque, par définition, les marchés publics sont des contrats conclus à titre onéreux ; le prix permet une juste rémunération pour le titulaire de telle façon « à faire vivre son entreprise, ses salariés, en dégageant un bénéfice, indispensable notamment pour investir et innover » et d’assurer à l’acheteur public que le marché sera exécuté dans les conditions prévues au cahier des charges. Aussi, les deux parties ont tout intérêt à conclure un contrat équilibré permettant d’anticiper tous aléas économiques faisant courir un risque sur chacune d’elles ; elles doivent dès lors en trouvant les « bonnes » formules de calcul de révision, garantir cet équilibre. Rappelons dans ce sens, la jurisprudence Eure qui déjà interdisait une partie fixe dans les formules de révision dès lors que le marché comportait une part importante de fournitures soumises aux fluctuations des cours mondiaux.
Aussi, le ministre indique que le régime de la révision des prix est donné à la fois par les dispositions de l’article 18-V du décret relatif aux marchés publics qui précise que « lorsque le prix est révisable, le marché public fixe la date d’établissement du prix initial, les modalités de calcul de la révision ainsi que la périodicité de sa mise en œuvre » et par les CCAG selon la nature du marché.
Ainsi, il met l’accent sur la valeur contractuelle de la clause de révision des prix, clause qui « constitue un engagement contractuel et [pour lequel] aucune des parties ne peut y renoncer ou empêcher unilatéralement la mise en œuvre ». Il souligne toutefois que les modalités peuvent être différentes en fonction des CCAG visés.
En effet, selon l’article 13.1.7 du CCAG Travaux, c’est « au titulaire d'établir sa demande de paiement en joignant le calcul des coefficients de révision des prix. Ensuite, il appartient au maître d'œuvre de déterminer le montant de l'acompte mensuel à régler au titulaire faisant ressortir l'effet de la révision des prix ; les parties de l'acompte révisables sont dès lors majorées ou minorées en appliquant les coefficients prévus ».
Pour les autres marchés (de fournitures courantes et/ou de services), c’est le cahier des clauses particulières (CCAP) qui fixe les modalités pratique de la mise en œuvre de la révision des prix. L’acheteur public pourra rédiger une clause exigeant que le titulaire procède lui-même à la révision lors de sa demande de paiement et qu’il fournisse les informations nécessaires au contrôle du calcul. Aussi, il appartiendra à l’acheteur public d’être innovant et inventif en matière de révision des prix tout veillant à ce que celle-ci corresponde à la réalité économique.
Le ministre rappelle ensuite que ce n’est qu’à l’aune des dispositions contractuelles et des obligations qui incombent au comptable public et à l’ordonnateur que ces derniers procèdent à leurs contrôles respectifs.
Ici, la collectivité n’est plus acheteur public mais devient ordonnateur ! À ce titre, et comme le rappelle le ministre, même si la révision a été calculée par le titulaire, l’ordonnateur doit vérifier que ce calcul est conforme aux stipulations du marché. En effet, l’article 31 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire indique que l’ordonnateur doit liquider la dépense, c’est-à-dire qu’il doit vérifier la réalité de la dette et arrêter le montant de la dépense. Cette vérification comporte deux étapes : « 1° La certification du service fait, par laquelle l'ordonnateur atteste la conformité à l'engagement de la livraison ou de la prestation ; et 2° La détermination du montant de la dépense au vu des titres ou décisions établissant les droits acquis par les créanciers ». Ainsi, l’ordonnateur devra rejeter une facture qui ne comporte pas la clause de révision et procéder lui-même à celle-ci.
Côté comptable public et conformément à l’article 19 de ce même décret, celui-ci doit procéder à un contrôle de la validité de la créance. Ainsi, le ministre précise « qu’en cas de non-respect des dispositions contractuelles, le comptable public doit le signaler à l’ordonnateur afin qu’il procède à la révision conformément aux dispositions contractuelles sur lesquelles il s’est engagé ».
La réponse est ainsi donnée : si la révision des prix est une manifestation de la volonté des parties, elle implique pour la collectivité- ordonnateur d’effectuer elle-même la révision de prix en lieu et place du titulaire et impose au Trésor public l'exactitude des calculs de liquidation.
En conséquence, les services marchés porteront un soin particulier à la rédaction des clauses de révision en correspondance avec les coûts réels supportés par les entreprises, et les services financiers veilleront à appliquer ou contrôler l’application de ses clauses lors des remises de paiement. Et, tout cela afin d’éviter pour la collectivité, que le titulaire demande des intérêts moratoires sur la partie révisée non réglée, ce qui pourrait avoir des conséquences financières importantes…
Sources :
- Rép. min. n° 03757 : JO Sénat, 15 mars 2018
- CE, 9 décembre 2009, n° 328803, Département de l’Eure
- D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, art. 18-V
- D. n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, art. 31
- CCAG Travaux 2009, art. 13.1.7
- Guide pratique « Le prix dans les marchés publics », Direction des Affaires juridiques Bercy, avril 2013, version 1.1 (Code de 2006 abrogé)