Résilier un marché aux torts d'un titulaire doit respecter les règles de la preuve
Dans un arrêt du 26 juin 2012, la cour administrative d’appel de Versailles a rappelé que la résiliation d’un marché aux torts du cocontractant de l’administration doit être prouvée. Dans le cadre d’un contrat public, la personne publique contractante a toujours la possibilité de résilier le contrat, en vertu de ses prérogatives de puissance publique. Si le principe qui régit la résiliation demeure l’indemnisation du titulaire évincé, la faute dans l’exécution du marché permet à la personne publique de s'y soustraire.
La tentation est grande pour la personne publique de rechercher une faute de son contractant afin de ne pas l’indemniser. En l’espèce, un établissement public a recherché la responsabilité du titulaire d’un marché de service de nettoyage car un arrêt de travail des salariés avait profondément perturbé le service public. Cet arrêt de travail était consécutif au refus par l'entreprise titulaire de réintégrer certaines personnes dans les effectifs de la société. Le juge de première instance avait d'ailleurs donné raison à la personne publique.
L’établissement public a ainsi allégué que l’entreprise avait provoqué le mouvement social par son non-respect de certaines règles de la convention collective de son secteur d’activité. S’il est inutile de rentrer dans le détail de ces explications, c'est l’analyse du juge de la preuve des arguments avancés qui est intéressante.
La cour administrative d’appel souligne que la personne publique n’apporte aucun début de preuve de l’absence d’exécution du marché et que, d'ailleurs, pendant l’inexécution alléguée, elle a continué à payer les factures. Par ailleurs, dans le cadre du conflit social, la personne publique a soulevé comme moyen de résiliation aux torts du cocontractant que celui-ci n’avait pas suivi les formes requises dans la convention collective. Pour autant, le juge considère ces formes comme étant facultatives, l’important demeurant le contenu matériel de l’avenant au contrat de travail. Dès lors, la personne publique n'était pas fondée à résilier le marché aux torts de son contractant, annulant ainsi la décision du tribunal administratif.
En substance, il ressort de cet arrêt que résilier un contrat administratif pour une grève dans les rangs du cocontractant serait possible. Aux conditions, non remplies ici, que la personne publique en informe préalablement la société, l'invite à présenter ses observations, et qu’elle prouve l’inexécution du contrat. Preuve qui aurait pu commencer à être avancée si la personne publique n’avait pas payé ses factures, en application de l’exception d’inexécution.
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