Si le titulaire assume un risque réel d’exploitation, le contrat de mobilier urbain ne peut être qualifié de marché public

Par François Fourmeaux

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La décision du Conseil d'État du 25 mai 2018 devrait contribuer à clarifier encore un peu plus l'épineuse question de la qualification des contrats de mobilier urbain. Le critère financier est quant à lui, plus que jamais, l'élément décisif de distinction entre marchés et concessions.

Dans cette affaire, une commune avait lancé une procédure de passation d'un contrat ayant pour objet l’installation, l’exploitation, la maintenance et l'entretien de mobiliers urbains destinés notamment à l’information municipale. Le titulaire devait assurer les prestations « à titre gratuit », tout en se rémunérant « par les recettes tirées de la vente d'espaces à des annonceurs publicitaires ».

Saisi d’une requête en référé précontractuel, le tribunal administratif de Melun, qui a annulé la procédure, avait considéré que le contrat revêtait la qualification de marché public.

Cette solution est censurée par le Conseil d’État, qui relève que, pour retenir la qualification de marché, le tribunal « s'est borné à constater qu'il confiait à titre exclusif l'exploitation des mobiliers à des fins publicitaires à son attributaire, pour en déduire qu'aucun risque n'était transféré à ce dernier ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société attributaire du contrat assumait un risque réel d'exploitation, il a commis une erreur de droit ».

Puis, jugeant l’affaire au fond, le Conseil d’État relève (i) que le contrat ne comporte aucune stipulation prévoyant le versement d'un prix à son titulaire ; (ii) que ce dernier « est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d'espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu'aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter » ; (iii) qu’ainsi, le titulaire se voit transférer un risque lié à l'exploitation des ouvrages à installer.

Le Conseil d’État retient en définitive la qualification de la concession de service, affermissant une solution déjà implicitement admise dans la décision Ville de Paris du 5 février 2018, dans le prolongement d’une tendance plus générale dégagée, par exemple, par le tribunal administratif de Toulouse dans son ordonnance du 10 août 2017.

Cette solution vient ainsi « acter » le caractère extensif des concessions de service, lesquelles n’ont pas nécessairement à porter sur un service public. Il ne faudrait probablement pas en conclure, pour autant, que les contrats de mobilier urbain devraient désormais être regardés comme relevant systématiquement de cette catégorie, pour deux raisons.

D’une part, si l’on part du principe que le critère de la satisfaction d’un besoin est désormais commun à l’ensemble des contrats de la commande publique, et que c’est de lui que réside, fondamentalement, la distinction d’avec les conventions d’occupation domaniale, cette dernière qualification pourrait toujours être retenue pour des contrats de mobilier urbain qui ne comporteraient aucune satisfaction de besoin de la collectivité. L’on peut songer à des contrats qui ne comporteraient aucune prestation relative à la communication d’informations municipales. À ce titre, les décisions Ville de Paris, du 15 mai 2013 et Établissement public Tisséo, du 3 décembre 2014, qui avaient retenu une conception restrictive de la notion de « besoin », devraient conserver de leur pertinence.

D’autre part, la qualification des contrats de mobilier urbain en marchés publics pourra toujours être possible si le critère de l’onérosité, au sens de l’article 4 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 est rempli. À la lecture de la décision du 25 mai 2018, tel pourrait être le cas si la collectivité verse un prix au titulaire ou si un mécanisme financier vient couvrir le titulaire des pertes qui pourraient être subies. De même encore, la renonciation de la collectivité à percevoir tout ou partie des recettes qui lui sont dues, et plus singulièrement, dans ce type de contrats, la redevance d’occupation du domaine, pourrait continuer à révéler l’existence d’un prix au sens des marchés publics.

Le critère du risque supporté par le titulaire s’appréciera donc au cas par cas, ce qui empêche de ranger définitivement les contrats de mobilier urbain dans telle ou telle catégorie contractuelle.

Sources :

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