Quand les collectivités préfèrent les cabinets aux compétences internes : les révélations de la Cour des comptes sur l’achat local des prestations intellectuelles

Dans son rapport du 16 mars 2022, la commission d’enquête sénatoriale sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques a mis en lumière quatre risques majeurs associés au recours de l’État à ces prestataires. Elle a d’abord souligné l’opacité du phénomène. Elle a ensuite pointé un foisonnement incontrôlé, illustré par un doublement des dépenses de conseil entre 2018 et 2021. Le troisième risque concerne la dépossession progressive de l’administration et des décideurs publics dans l’élaboration des orientations stratégiques de l’action publique. Enfin, la commission a alerté sur les risques déontologiques et les conflits d’intérêts alimentés par les passages fréquents entre secteurs public et privé.
En réponse à ces constats, une proposition de loi a été adoptée par le Sénat le 18 octobre 2022. Celle-ci visait à renforcer la transparence des prestations de conseil, à encadrer plus strictement le recours aux consultants, à consolider les obligations déontologiques et les dispositifs de prévention des conflits d’intérêts, ainsi qu’à améliorer la protection des données détenues par l’administration. L’examen du texte a toutefois été suspendu. Parmi les points de désaccord entre les deux chambres figurait l’intégration des collectivités locales dans le périmètre d’application de la loi.
Le rapport publié en juin 2025 par la Cour des comptes et consacré au recours par les collectivités locales aux prestations intellectuelles des cabinets de conseils permet de confronter les pratiques de l’État à celles des collectivités locales. Si, comme au niveau national, ces dépenses ne représentent qu’une part modeste de leurs budgets – en moyenne 1,3 % des charges à caractère général en fonctionnement et 1 % des dépenses d’équipement en investissement – leur progression est notable, avec une augmentation de 20 % sur la période analysée. Ce contrôle constitue donc une double opportunité : d’une part, rappeler les fondamentaux nécessaires à des achats publics efficients (I), et, d’autre part, mettre en lumière les spécificités propres aux prestations intellectuelles dans le contexte des collectivités territoriales (II).