Le secret des affaires dévoilé
Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, le secret des affaires s'est substitué au secret industriel et commercial quant à la communication des documents administratifs se rapportant à la passation des marchés publics. Ce changement de terminologie légale sera l'occasion de rappeler succinctement les règles en matière de communicabilité des documents se rapportant aux marchés publics tout en s'interrogeant sur sa portée.
La loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires a transposé dans notre droit interne la directive n° 2016-943 du 8 juin 2016 relative à la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites.
Le législateur a donc introduit un titre V « De la protection du secret des affaires » dans la partie législative du Code du commerce et a défini les informations protégées au titre du « secret des affaires » à l’article L. 151-1 de ce même code. Conformément à la directive (considérant 14 et article 2), le secret des affaires couvre « les savoir-faire, les informations commerciales et les informations technologiques lorsqu'il existe à la fois un intérêt légitime à les garder confidentiels et une attente légitime de protection de cette confidentialité. Par ailleurs, ces savoir-faire ou informations devraient avoir une valeur commerciale, effective ou potentielle. »
S’agissant de la communication des documents administratifs se rapportant à la passation des marchés publics, le législateur a préféré substituer le secret des affaires au secret industriel et commercial plutôt que de laisser coexister ces deux qualifications dont il aurait fallu déterminer le champ d’application et l’articulation (avis du Conseil d’État du 15 mars 2018 sur la proposition de loi, assemblée générale, n° 394422).
Désormais, l’article 44 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics dispose que : « I. - Sans préjudice des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'accès aux documents administratifs, l'acheteur ne peut communiquer les informations confidentielles qu'il détient dans le cadre du marché public, telles que celles dont la divulgation violerait le secret des affaires ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre les opérateurs économiques, notamment par la communication, en cours de consultation, du montant global ou du prix détaillé des offres ».
L’article L. 311-6 du Code des relations entre le public et l'administration précise que « ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L. 300-2 est soumise à la concurrence ».
Pour mémoire, la commission d’accès aux documents administratifs (ci-après : « CADA ») a établi et précisé, au fur et à mesure de ses avis, des grands principes quant au caractère communicable ou non des documents administratifs aux candidats évincés dans le cadre de la passation des marchés publics.
Ces grands principes et les avis de la CADA y afférents sont récapitulés dans un tableau qui précise si le document :
- est communicable sans réserve ;
- est communicable mais en occultant les mentions couvertes par le secret industriel et commercial ;
- n’est pas communicable puisque couvert par le secret industriel et commercial.
Le changement de terminologie ne devrait pas avoir d’incidences substantielles sur la doctrine élaborée par la CADA puisque les informations protégées au titre du secret industriel et commercial entrent dans le champ d’application du secret des affaires. Un tableau actualisé de la CADA devrait prochainement être publié sur le site afin de prendre en compte la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018.
En pratique, le pouvoir adjudicateur doit être vigilant aux informations communiquées aux candidats évincés. Le premier réflexe serait de se référer aux avis de la CADA en la matière ainsi qu’aux arrêts du Conseil d'État. Le deuxième serait de vérifier que les mentions couvertes par le secret des affaires ont bien été occultées lorsque le document est communicable « sous réserve d’occultation ». Le troisième serait, dès lors que l’acheteur a un doute quant à la protection de l’information dont la transmission est sollicitée par un candidat évincé, de refuser cette communication.
Quid de l’entreprise évincée qui sollicite auprès de l’acheteur des documents dont elle sait pertinemment que le contenu est protégé par le secret des affaires : « l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret des affaires est aussi considérée comme illicite lorsque, au moment de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret, une personne savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret avait été obtenu, directement ou indirectement, d'une autre personne qui l'utilisait ou le divulguait de façon illicite au sens du premier alinéa de l'article L. 151-5 » (C. com., art. L. 151-6).
Sources :
- L. n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires
- Dir. n° 2016-943 du 8 juin 2016 relative à la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites
- Code de commerce, art. L. 151-1 et s.
- Avis du conseil d’état du 15 mars 2018 sur la proposition de loi, assemblée générale, n° 394422
- Ord. n° 2015-899, 23 juillet 2015, art. 44
- CRPA, art. L. 311-6
- Site de la CADA