Retour sur la dénaturation de l’offre

Par Nicolas Quénard

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Par une ordonnance du 11 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris est revenu sur la notion de dénaturation de l’offre d’un soumissionnaire à un marché public, d’une part, en précisant qu’une offre doit être considérée dénaturée lorsqu’un élément non exigé par un CCTP était considéré manquant et, par suite, retenu contre le soumissionnaire. D’autre part, le tribunal administratif rappelle toutefois qu’offre dénaturée n’équivaut pas à candidat lésé.

Pour mémoire, la dénaturation consiste en l’altération de l’offre du candidat par le pouvoir adjudicateur. Ainsi, la prise en compte d’éléments inexacts, absents ou dépourvus de lien avec les exigences du marché par le pouvoir adjudicateur peuvent permettre d’établir une dénaturation de l’offre d’un candidat (CE, 24 oct. 2008, n° 30034, Société Veolia Eau).

S’il relève de l’office du juge des référés précontractuels de procéder au contrôle de la dénaturation de l’offre d’un candidat par le pouvoir adjudicateur, il ne lui appartient toutefois pas de contrôler l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur les mérites respectifs des offres en présence ou la pertinence du choix opéré par lui, même en cas d’erreur manifeste (CE, 24 juin 2011, n° 347720, Société SANEF ; CE, 21 mai 2010, n° 333737, Commune d’Ajaccio).

Le juge des référés doit ainsi se contenter, lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n’a pas dénaturé le contenu d’une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l’attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d’égalité de traitement des candidats (CE, 20 janv. 2016, n° 394133, CIVIS ; CE, 25 mai 2018, n° 417428, Hauts-de-Seine Habitat).

En l’espèce, la société Sécuri.i.dress a déposé une offre pour les lots n° 1 et 2 du marché de fourniture et de distribution d’effets d’habillements, d’accessoires et d’équipements individuels destinés aux personnels de la Gendarmerie nationale (lot n° 1) et de la Police nationale (lot n° 2). Ses offres ayant été rejetées, ladite société a formé un référé précontractuel, arguant notamment de la dénaturation de ses offres sur trois points différents.

En effet, sur le troisième point, la société soutenait que s’agissant pour le critère « phase de mise en place de l’accord-cadre », son offre avait été dénaturée pour le lot n° 1 en ce que le pouvoir adjudicateur avait retenu que la « résolution d’un scénario n’a pas pris en compte la totalité des exigences d’une fiche technique d’un article » ; et ce alors même qu’elle avait obtenu la même note pour ce critère pour les deux lots et que cette mention ne figurait pas dans l’appréciation de ce poste pour le lot n° 2.

Le tribunal administratif de Paris en déduit donc la dénaturation de l’offre de la société Sécruri.i.dress, en ce qu’un élément non exigé par le CCTP a été retenu contre la société.

Toutefois, le tribunal poursuit en affirmant que la dénaturation constatée n’entraîne pas pour autant la caractérisation d’un intérêt lésé. En effet, selon le tribunal administratif, la démonstration de la dénaturation de l’offre doit s’accompagner, comme tout autre moyen, de la démonstration d’un intérêt lésé afin d’obtenir l’annulation de la procédure de passation.

Au-delà du cas d’espèce, cette solution pragmatique a le mérite d’inviter les acheteurs publics à une vigilance accrue lors de l’analyse des offres.

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