Une offre anormalement basse peut-elle en cacher une autre ?

Publié le

Par une décision rendue le 27 mars 2017, le Conseil d’État vient de rappeler les règles relatives à la détection et à la vérification des offres anormalement basses. En l’espèce, la région Réunion avait lancé une procédure de passation d’un marché public de formation professionnelle divisé en plusieurs lots. À la suite du rejet de ses offres en raison de leur caractère anormalement bas, l’un des candidats évincés avait alors saisi le juge administratif des référés pour obtenir l’annulation de la procédure et sa reprise au stade de l’analyse des offres. Or, celui-ci obtint satisfaction…

Le tribunal administratif de la Réunion estima en effet que la Région avait commis une première erreur manifeste d’appréciation en jugeant anormalement basses les offres du requérant alors même que les prix proposés étaient 30 % supérieurs à ceux du candidat finalement retenu. Autrement dit, si l’offre de l’attributaire n’avait pas été jugée anormalement basse en dépit des prix pratiqués, celle du requérant ne pouvait a fortiori être qualifiée comme telle ! Mieux encore, cet écart de prix permettait également de ne pas sanctionner l’absence de réponse du requérant à la procédure de vérification de son offre mise en œuvre par la Région. 

Le Conseil d’État infirma cependant cette analyse à l’occasion du pourvoi formé par la collectivité contre l’ordonnance rendue.  Conformément à une jurisprudence acquise du Conseil d’État, l’écart de prix entre les offres des candidats ne permet pas à lui seul d’établir le caractère anormalement bas de l’une d’entre elles. Ce qui importe, c’est en effet rechercher si le prix de l’offre incriminée est en lui-même manifestement sous-évalué et susceptible de compromettre la bonne exécution du marché (CE, 3 nov. 2014, no 36606, Min. int. c/Sté Artéis ; CE, 3 nov. 2014, no 382413, ONF). S’agissant par ailleurs du respect de la procédure de vérification des offres anormalement basses, est-il utile de rappeler que la région Réunion avait bien sûr eu raison de rejeter l’offre du requérant dès lors que sa demande de vérification était demeurée sans suite ? Le respect de la procédure de l’article 60 du décret no 2016-360 du 25  mars 2016 est en effet obligatoire, tant pour l’acheteur public que pour les candidats (CAA Marseille, 12 juin 2006, no 03MA02139, SARL Stand Azur). À noter enfin qu’en l’espèce, la collectivité avait aussi mis en œuvre, pour la détection des offres anormalement basses, une méthode de calcul préconisée par la Charte pour la détection des offres anormalement basses et le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse, signée le 26 mars 2012 sous l’égide du Haut conseil de la commande publique. L’utilisation de ces outils de rationalisation des procédures de vérification des offres peut donc se révéler bien efficace pour sécuriser les procédures de passation, notamment en cas de contentieux.  Sources :