Analyse des offres : mise au point sur la production de justificatifs par les candidats
Dans quels cas le pouvoir adjudicateur est-il tenu d’exiger des candidats la production de justificatifs en vue de vérifier l’exactitude des éléments de l’offre ? C’est à cette question que le Conseil d’État a cherché à répondre dans sa décision Société Sogema du 22 juillet 2016.
Dans cette affaire, une communauté d'agglomération avait lancé une procédure d'appel d'offres pour l'attribution d'un marché de collecte de déchets ménagers et assimilés et de recyclables. Introduisant un référé précontractuel, l’un des candidats évincés reprochait notamment à la collectivité de ne pas avoir exigé de la part des soumissionnaires certains justificatifs.
Reprenant – tout en l’étendant aux sous-critères – la solution dégagée dans la jurisprudence Société Autocars de l’Île de Beauté du 9 novembre 2015, le Conseil d’État énonce d’abord le principe selon lequel « lorsque le pouvoir adjudicateur prévoit, pour fixer un critère ou un sous-critère d'attribution du marché, que la valeur des offres sera examinée au regard du respect d'une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d'exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats ».
Il rejette ensuite le moyen, en jugeant qu’« en l'espèce, s'il ressort des documents de la consultation que devaient être examinés, au titre du critère des "effectifs humains et matériels", le nombre et les caractéristiques sommaires des véhicules utilisés », le pouvoir adjudicateur « n'avait pas émis d'exigences particulières à cet égard sanctionnées par le système d'évaluation des offres stipulé par le règlement de la consultation ».
L’obligation d’exiger des candidats la production de justificatifs dépend donc de la détermination suffisamment précise d’une caractéristique technique, et de la corrélation de celle-ci avec le système de notation des offres. En conséquence de quoi, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu à une obligation générale de vérifier la véracité de l’intégralité des éléments contenus dans une offre.
Dans l’affaire Société Autocars de l’Île de Beauté, relative à un marché de transports scolaires, le Conseil d’État avait à l’inverse censuré l’absence de demande de production de justificatifs tendant à vérifier l’information fournie par les candidats selon laquelle leurs véhicules seraient ou non stationnés dans un lieu couvert, élément qui constituait un sous-critère technique d’évaluation des offres (CE, 9 nov. 2015, Société Autocars de l'Île de Beauté).
Ces solutions ne sont, en définitive, que l’une des traductions du principe selon lequel tout critère de sélection des offres doit, d’une manière ou d’une autre, reposer sur des données vérifiables. Ainsi, la Cour de justice de l’Union européenne avait jugé que « l'évaluation des différentes offres dans l'objectivité et la transparence présuppose que le pouvoir adjudicateur, se fondant sur des informations et justificatifs fournis par les soumissionnaires, soit en mesure de vérifier effectivement si les offres de ces derniers correspondent aux critères d'attribution » (CJCE, 4 déc. 2003, EVN, point 50).
Pour finir, notons que la décision du 22 juillet présente également un autre intérêt. En effet, le Conseil d’État juge qu’un candidat évincé ne saurait être lésé par une modification de la méthode de notation du critère prix, dès lors que la méthode nouvellement retenue ne pouvait, de fait, avoir aucune incidence sur le classement des offres par rapport à la méthode initialement prévue dans les documents de la consultation.
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