Quels sont les documents exigibles dans le cadre de l’analyse de la capacité économique et financière d’un candidat ?
La CJUE a récemment jugé que lorsqu’un avis de marché exige la production d’une attestation émanant d’un établissement bancaire, la circonstance que les établissements bancaires sollicités par le soumissionnaire ne s'estiment pas en mesure de lui délivrer ladite attestation peut constituer une raison justifiée autorisant, le cas échéant, ledit soumissionnaire à prouver sa capacité économique et financière par tout autre document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur. Cette décision souligne l’importance d’être vigilant avant de rejeter la candidature d’un soumissionnaire sur le fondement de la capacité économique et financière.
Les sociétés INGSTEEL spol. s r.o. et Metrostav, a.s ont participé à un appel d’offres de l’association slovaque de football relatif à « la reconstruction, la modernisation et la construction de stades de football » en tant que groupement d’opérateurs économiques et ont vu leur candidature conjointe rejetée, au motif que les conditions de la clause III.2.2 de l’avis de marché n’étaient pas remplies, laquelle exigeait une « attestation de la banque par laquelle celle-ci s’engage à ce que le soumissionnaire retenu sera en mesure de fournir une garantie financière à hauteur de 3 millions d’euros au minimum en vue de l’exécution du marché ».
Face à l’impossibilité de fournir un tel document, le soumissionnaire avait joint à sa candidature l’attestation d’une banque selon laquelle il remplissait toutes ses obligations (ladite attestation comportant également des informations sur l’ouverture d’un crédit en compte courant d’un montant supérieur à 5 millions d’euros) et une attestation sur l’honneur certifiant que dans l’hypothèse où le marché leur serait attribué, leur compte serait créditeur de trois millions d’euros au minimum à la date de sa conclusion et pendant toute sa durée d’exécution, ce qui a donc été considéré comme insuffisant.
Saisie du litige, le Najvyšší súd (Cour suprême slovaque) interroge la CJUE sur la nécessité de produire, à titre de justificatif de la capacité économique et financière, un engagement contraignant de prêt, ainsi que sur le refus d’admettre la déclaration d’une banque nationale qui, présentée formellement comme un tel engagement contraignant de prêt, conditionne toutefois son octroi à la réunion de certaines exigences déterminées dans un contrat postérieur.
À cette occasion, la Cour rappelle que les niveaux minimaux de capacités exigés pour un marché déterminé doivent être liés et proportionnés à l’objet du marché et constituer un indice positif de l’existence d’une assise économique et financière suffisante pour mener à bien l’exécution de ce marché, sans toutefois aller au-delà de ce qui est raisonnablement nécessaire à cette fin (CJUE, 18 oct. 2012, aff. C-218/11, Édukövízig et Hochtief Construction).
Et en l’occurrence, le maintien de la disponibilité de la somme requise pendant l’exécution du contrat est un élément utile en vue d’apprécier, de façon concrète, la capacité économique et financière du soumissionnaire par rapport à ses engagements. L’exigence d’un engagement contraignant de prêt peut donc figurer dans un avis de marché et le pouvoir adjudicateur peut en principe exclure le soumissionnaire qui ne remplit pas cette condition.
Toutefois, l’article 47, paragraphe 5, de la directive 2004/18, précise que « si, pour une raison justifiée, l’opérateur économique n’est pas en mesure de produire les références demandées par le pouvoir adjudicateur, il est autorisé à prouver sa capacité économique et financière par tout autre document considéré comme approprié par le pouvoir adjudicateur ».
La Cour va donc suivre les conclusions de l’avocat général, lequel considère que la circonstance que les établissements bancaires ne délivrent pas l’attestation exigée dans les documents de marché peut constituer une raison justifiée au sens de l’article précité : « il conviendrait donc pour les candidats évincés d’apporter la preuve de l’impossibilité objective d’obtenir un prêt bancaire affecté à l’exécution du marché, pour la durée de cette dernière. Il s’agit d’un constat purement factuel, qui relève de la compétence de la juridiction nationale. Celle-ci devra rechercher si la pratique bancaire en Slovaquie empêche les entreprises soumissionnaires telles qu’Ingsteel et Metrostav de se procurer une attestation bancaire conforme aux conditions prévues par le cahier des charges. »
Ces précisions peuvent être utiles : lors de la vérification de la capacité économique et financière des candidats, encadrée en droit français notamment par l’article 51 de l’ordonnance n° 2015-899, les acheteurs doivent s’assurer de ne pas rejeter une candidature trop précipitamment sous peine de prendre des risques contentieux évitables.
Sources :
- CJUE, 13 juillet 2017, aff. C-76/16, Ingsteel spol. s r. o., Metrostav a.s
- CJUE, 18 octobre 2012, aff. C-218/11, Édukövízig et Hochtief Construction
- Directive 2004/18, art. 47, 5°
- Ord. n° 2015-899 du 23 juillet 2015, art. 51