Économie circulaire et commande publique : quoi de neuf ?

Par Olivier Giannoni

Publié le

L’étude conjointe du rapport d’évaluation de l’article 58 de la "loi anti-gaspillage et économie circulaire" ("AGEC") et du nouveau décret d’application daté du 21 février 2024 (n° 2024-134) offre l’opportunité d’examiner les avancées réalisées pour faciliter l'action des acheteurs. Ces avancées incluent la prise en compte des dons dans l’atteinte des cibles, la redéfinition des catégories et des objectifs chiffrés, ainsi que l'identification des bonnes pratiques telles que le recours aux centrales d'achat, l'utilisation des lots réservés et la mise en œuvre du système d'acquisition dynamique.

L'objectif de l'article 58 de la loi AGEC est de contraindre les acheteurs publics à acquérir une quantité déterminée de biens issus de l'économie circulaire, notamment des biens reconditionnés, de seconde main, ou des biens neufs intégrant des matériaux recyclés. Toutefois, la loi prévoit deux exceptions : en cas de contrainte opérationnelle liée à la défense nationale ou de contrainte technique significative liée à la nature de la commande publique.
Cette obligation concerne tous les acheteurs relevant de l'État, des collectivités territoriales et de leurs regroupements intercommunaux, représentant environ 46 % du montant total des marchés notifiés en 2021, soit 59 milliards d'euros.

I. Des avancées notables : l’utilisation des dons et la redéfinition des catégories et des objectifs chiffrés

Comme suite des demandes exprimées par plusieurs acteurs lors de l'évaluation, les pratiques de réutilisation en interne ou de donation ont été incluses dans le cadre du dispositif (art. 1er du décret). En effet, le don de matériel par l'État et les collectivités territoriales est désormais réglementé. De plus, une plateforme gérée par la Direction Nationale d'Interventions Domaniales (DNID) a été mise en place pour aider les administrations à faire don de biens mobiliers de faible valeur dont elles n'ont plus besoin. Favoriser l'acquisition de matériel par le biais de dons permet de promouvoir des pratiques vertueuses, tant sur le plan environnemental que financier. Les détails pratiques seront définis par arrêté, mais il est probable qu'une évaluation forfaitaire soit privilégiée.

Le rapport met en lumière la limitation des résultats obtenus par le dispositif, car la majorité des achats porte essentiellement sur 3 des 17 catégories de segments d’achat visés par le décret : les sacs d'emballage, le mobilier urbain et les bâtiments préfabriqués. Cependant, afin d'adapter le dispositif aux pratiques des acheteurs, une mise en œuvre pluriannuelle avec des objectifs jusqu'en 2030 est proposée. Il est également souligné que les difficultés spécifiques signalées par les industriels ont été prises en compte, notamment pour le papier, dont les objectifs ont été revus à la baisse et maintenus stables en raison de problèmes de pénurie.

De même, lors des discussions sur l'évaluation, près de 55 % des acheteurs interrogés ont mentionné des difficultés à identifier les produits relevant de l'obligation en raison de l'utilisation des codes CPV. Il semble en effet que les collectivités aient plus souvent recours à une nomenclature interne tirée de la computation des seuils pour cartographier leurs achats. Le nouveau décret a donc exprimé les objectifs en langage courant, abandonnant l'utilisation de ces codes, et s'inscrit en cohérence avec la création des filières à responsabilité élargie du producteur.

II. Des bonnes pratiques : le recours aux centrales d’achat, l’utilisation des lots réservés et la mise en œuvre du système d’acquisition dynamique

Les acheteurs identifient trois principales difficultés selon les segments d'achat : l'existence de surcoût, l'absence d'offre ou une offre insuffisante. Ainsi, il est essentiel de mener une étude approfondie des fournisseurs et des produits disponibles avant de procéder à un achat ou de lancer une procédure.

Le rapport précédemment mentionné évoque deux solutions intéressantes pour faciliter le processus d'achat. D'une part, l'utilisation des centrales d'achat qui peuvent proposer une offre adaptée pour certains produits et dont l’utilisation est exemptée de mise en concurrence. D'autre part, les structures issues de l'économie sociale et solidaire, pionnières du réemploi et de la réutilisation, qui offrent à la fois des avantages environnementaux et sociaux, et qui sont éligibles au dispositif des lots réservés du Code de la commande publique (CCP, art. L. 2113-12 et suivants).

Dans ce contexte, une procédure particulièrement utile peut être le système d'acquisition dynamique. Plusieurs raisons justifient son utilisation :

  • il s'agit d'une technique d'achat réservée aux achats courants correspondant aux produits visés par la loi AGEC ;
  • il permet d'accueillir les candidatures d’opérateurs économiques pendant toute sa durée de validité, ce qui est avantageux dans les segments d'achats où l'offre est limitée ;
  • il offre la possibilité de lancer une mise en concurrence pour l'attribution de marchés spécifiques lorsque les fournisseurs disposent des produits ;
  • enfin, il n'est pas soumis à une limite de montant maximum.

À titre illustratif, le rapport mentionne l'exemple de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD) et de la Ville de Dunkerque, qui ont utilisé un système d'acquisition dynamique pour développer des solutions d'achat adaptées pour l'acquisition de véhicules d'occasion.

Il est enfin nécessaire de prévoir des clauses garantissant le respect des normes de sécurité. Les produits reconditionnés bénéficient désormais d'un cadre juridique spécifique, contrôlé par les inspecteurs de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes. Les produits issus du réemploi ou de la réutilisation bénéficient de conditions spécifiques en matière de garantie légale de conformité.

Concernant la sécurité, un produit d'occasion fourni par un professionnel, reconditionné ou non, doit répondre à l'obligation générale de sécurité. Il doit être sûr pour l'usage raisonnablement prévisible qui en sera fait. Les moyens de preuve doivent être adaptés aux spécificités de chaque type de produit, et il incombe aux professionnels d'établir que leurs produits sont sûrs, que ce soit par l'usage de normes, des tests internes, des tests par un organisme tiers, ou une certification, entre autres.