Même fautif, le cocontractant a droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause

Par François Fourmeaux

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La décision Société Pointe-à-Pitre Distribution du 9 juin dernier est l’occasion d’un rappel général des conditions dans lesquelles le cocontractant de l’administration peut obtenir une indemnisation sur les terrains quasi-contractuel et quasi-délictuel.

Dans cette affaire, une société avait réalisé diverses prestations de fournitures de bureau, d’entretien et de décoration au bénéfice d’une commune, et en sollicitait le règlement. Cependant le marché, d’une part, n’avait pas été précédé d’une procédure de mise en concurrence, d’autre part, avait été signé par le maire sans que n’ait été recueillie au préalable l’autorisation du conseil municipal.

Tout d’abord, le Conseil d’État juge que le litige doit être réglé sur le terrain extracontractuel. En effet, l’un des vices affectant le marché a directement trait au consentement de la collectivité ; vice qui, de surcroît, n’avait fait l’objet d’aucune régularisation ultérieure.

Ensuite, le Conseil d’État, reprenant la jurisprudence Société Decaux du 10 avril 2008, précise les conditions dans lesquelles la société pouvait obtenir le règlement de ses prestations. À ce titre, il rappelle que :

  • le cocontractant peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses qui ont été utiles à la collectivité. Cette affaire est en l’occurrence l’occasion pour le Conseil d’État de préciser que l’appréciation du caractère utile des dépenses ne dépend pas des prix de celles-ci, quand bien même lesdits prix seraient manifestement excessifs ;
  • les fautes commises par le cocontractant antérieurement à la signature du contrat « sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l’administration, ce qui fait obstacle à l’exercice d’une telle action » ;
  • « dans le cas où le contrat est écarté en raison d’une faute de l’administration, l’entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration » ; il peut à ce titre « demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application ».

Le Conseil d’État en déduit qu’au cas présent la cour administrative d’appel a inexactement qualifié les faits en jugeant que la faute commise par la société « en se prêtant volontairement à la conclusion d’un contrat dont elle ne pouvait, compte tenu de son expérience, ignorer l’illégalité, constituait la cause directe du préjudice qu’elle invoquait et était de nature à exonérer totalement la commune de Goyave de sa responsabilité quasi-délictuelle, en dépit de la faute qu’elle avait elle-même commise en concluant le contrat, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ».

Sources :