Un nouvel « élan » pour la commission d’appel d’offres ?
La Loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite « loi ELAN » a modifié une disposition sur la Commission d’Appel d’Offres (CAO) qui vient préciser la rédaction ambiguë de l’article L. 1414-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT).
En effet, l’article L. 1414-2 du Code général des collectivités territoriales, prévoyait, dans sa rédaction antérieure (jusqu’au 25 novembre 2018) que pour « les marchés publics dont la valeur estimée hors taxe est égale ou supérieure aux seuils européens le titulaire est choisi par une commission d'appel d'offres composée conformément aux dispositions de l'article L. 1411-5. »
Or, cet article pouvait induire une double lecture.
Fallait-il comprendre que la CAO devait se réunir à chaque procédure formalisée ou dès que le montant était supérieur aux seuils (incluant de facto les concours et les marchés spécifiques) ?
Rappelons que les seuils formalisés pour les services sont les suivants :
- à partir de 144 000 € HT pour l'État et ses établissements publics ;
- à partir de 221 000 € HT pour les collectivités et les établissements publics de santé ;
- à partir de 443 000 € HT pour un acheteur public qui exerce une activité d'opérateur de réseaux (production, transport ou distribution d'électricité, gaz, eau, etc.) ;
Et pour les travaux :
- à partir de 5 548 000 € HT.
Dans sa fiche d’août 2016, intitulée « l’intervention de la commission d’appel d’offres dans le cadre des procédures d’attribution des marchés publics », la Direction des affaires juridiques de Bercy (DAJ), considérait que « Les seuils de procédure formalisée fixés par l’avis publié le 27 mars 2016 constituent donc bien le critère de mise en œuvre des procédures énoncées au 1° de l’article 42. En conséquence, lorsque l’article L. 1414-2 du CGCT se réfère aux marchés publics dont la valeur excède les seuils mentionnés à l’article 42 de l’ordonnance [no 2015-899], il a pour objet de circonscrire le champ d’intervention de la commission d’appel d’offres aux seuls marchés publics passés en application desdites procédures formalisées en raison de la valeur estimée du besoin auquel ils répondent ».
Le Législateur a suivi l’avis de la DAJ puisque depuis, la Loi dite "ELAN" a modifié le CGCT de telle sorte que désormais, l’article L. 1414-2 dispose que pour « les marchés publics passés selon une procédure formalisée dont la valeur estimée hors taxe prise individuellement est égale ou supérieure aux seuils européens, le titulaire est choisi par une commission d'appel d'offres composée conformément aux dispositions de l'article L. 1411-5 ».
Ainsi, il est bien confirmé que, lorsque les marchés dépassent les seuils européens, seules les procédures formalisées sont soumises à CAO. Il s'agit donc de conditions cumulatives. Certains élus ou agents seront ravis de cette souplesse, tandis que d’autres ne manqueront pas de s’interroger sur l’utilité d’une CAO se vidant progressivement de sa coquille.
Cette nouvelle formulation a toutefois fait naître un débat au sein des praticiens de la commande publique, puisque le texte parle de la valeur du contrat prise individuellement. Au sens de la commande publique, un lot est égal à un marché ; ce qui reviendrait ici à considérer que la CAO ne devient opérante que dans de rares cas (principalement dans les structures territoriales plus modestes, où il est rare qu’un seul lot FCS ne dépasse les 221 000 € HT). Dans l’esprit rédactionnel, tel qu’il ressort des notes des rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, il semblerait que l’idée n’est pas de modifier le champ d’intervention de la CAO, mais bien de clarifier le texte. En l’occurrence, il s’agirait donc bien de considérer que la CAO n’est valable que dans les cas de procédures formalisées.
Pour rappel, au sens de l’Ordonnance de 2015, les procédures formalisées sont :
- La procédure d’appel d’offres, ouvert ou restreint ;
- La procédure concurrentielle avec négociation ;
- La procédure négociée avec mise en concurrence ;
- La procédure de dialogue compétitif.
Par ailleurs, le futur Code de la commande publique, qui entrera en vigueur au 1er avril 2019, prévoit, en principe, une annexe avec les différents seuils. Cette annexe est également mentionnée dans l’article L. 1414-2 CGCT tel qu’il sera en vigueur au 1er avril 2019.