Groupement permanent et coordonnateur sans compétence

Par Stéphane Rabillard

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Le groupement de commandes poursuit un double objectif : profiter d’économies d’échelle et mutualiser les tâches.

Outil ancien, son appropriation est variable d’un territoire à un autre. Il évolue dans un contexte d’une part d’acheteurs en recherche d’économie, et d’autre part dans une période où l’objectif est à la disparition du fameux mille-feuille administratif (où différentes entités font la même chose, impactant les dépenses publiques).

À force d’usages, le groupement de commandes continue sa mutation (v. notamment les dispositions de la Loi dite « proximité et engagement » de décembre 2019).

Il est possible de simplifier son utilisation par le biais d’un groupement permanent cadre.

Désormais, il est également possible de mettre en place un groupement avec un coordonnateur ne disposant pas de la compétence du domaine concerné par l’achat. Par exemple, dans le cas où 14 communes d’un EPCI souhaiteraient lui confier l’achat de signalétiques routières pour des routes pourtant de compétence communale.

Aussi il apparait pertinent d’expliquer concrètement comment le mettre en œuvre et maximiser ses possibilités d’action.

Pour les néophytes, il est important de rappeler succinctement qu’un groupement de commandes permet à des personnes publiques (commune ; EPCI, EPA, etc.) ayant le même besoin d'achat, de se regrouper pour la réalisation de cet achat. Il peut s'agir de travaux, de fournitures ou de services. Il est autorisé par les articles L. 2113 ‑6 et suivants du Code de la commande publique (CCP).

Un des membres du groupement est alors désigné comme représentant pour agir au nom du groupe : on le désigne sous le nom de coordonnateur.

L’intérêt, comme évoqué en introduction, est principalement économique. En achetant dans un volume plus important, on doit s’attendre, théoriquement, à un prix plus intéressant par le biais du mécanisme dit « d’économies d’échelle ». Les frais de publicités sont également divisés.

L’intérêt réside également dans la simplification des tâches administratives. Le coordonnateur ayant la charge de la procédure de passation et d’attribution, il permet à des entités moins aguerries de s’assurer d’acheter dans le respect des règles de la commande publique, car bénéficiant de son expertise technique.

Classiquement, pour chaque groupement, sauf délégation générale de la personne habilitée à signer (maire, président, etc.), la délibération autorisant l’adhésion au groupement doit passer dans chaque assemblée délibérante, ralentissant d’autant la conclusion du groupement. Plus il y’a de membres, plus il faut de temps pour que se tiennent tous les conseils municipaux, communautaires ou d’administrations.

S’en suit l’étape où la convention de groupement de commandes (détaillant article par article les droits et devoirs de chacun) circule entre les membres du groupement pour être signée. Avec les risques qu’on imagine tous, de rester bloquée dans une boite mail ou de visiter du pays à la faveur d’un affranchissement postale au tarif lent.

Bonne nouvelle en ces temps troublés, il existe toutefois une parade pour simplifier et accélérer l’ensemble. Pour vous l’expliquer, voici un retour sur une expérience développée par les communautés de communes Lesneven Côtes des Légendes et Pays d’Iroise dans le Finistère (qui n’est pas exhaustif d’autres initiatives similaires qui pourraient exister).

Il est en effet possible de mettre en place une convention de groupement permanent.

1. La nature de la convention de groupement permanent

La convention constitutive du groupement pose le cadre général unissant tous les membres. En la signant (après délibération de chaque conseil municipal ou par délégation générale de signature), il est donné la possibilité à chaque commune de rejoindre, à hauteur de ses besoins, tous les groupements qui seront lancés ensuite, sans avoir besoin de délibérer à nouveau. Cette convention n’est signée qu’une seule et unique fois pendant le mandat ; ce qui permet donc de gagner en souplesse et réactivité.

Sur un marché public donné, l’engagement entre les membres passera simplement par la signature d’une annexe à la convention constitutive du groupement permanent. Par exemple, si le groupement pour les fournitures de bureau intéresse une commune, elle signera l’annexe no 1 correspondante. A contrario personne n’obligera cette même commune à signer l’annexe no 2 concernant des prestations de balayage de voiries, si cette prestation ne l’intéresse pas.

Dans le cadre de l’exemple cité, les deux EPCI ont ainsi proposé à leurs communes membres respectives de conventionner. Ainsi à n’importe quel membre du groupement pouvait s’associer pour acheter indépendamment, du simple fait d’être rattaché à tel ou tel EPCI. Le dispositif est en cours d’extension à d’autres EPCI et communes du Finistère afin de poursuivre la dynamique et créer un vaste réseau. Dès lors, demain, par exemple, il sera tout à fait possible à une commune du sud du département de se lier à une commune du nord du département pour contenter un besoin commun.

Par ailleurs, une disposition de la Loi dite « proximité et engagement » de décembre 2019 est venue apporter un éclairage nouveau aux groupements (voir « Un EPCI peut désormais acheter pour le compte de ses communes membres », janv. 2020). Aussi, en application de l’article L. 5211-4-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), lorsqu’un groupement de commandes est constitué entre des communes membres d'un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou entre ces communes et cet établissement public, les communes peuvent confier à titre gratuit à cet établissement public, par convention, si les statuts de l'établissement public le prévoient expressément, indépendamment des fonctions de coordonnateur du groupement de commandes et quelles que soient les compétences qui lui ont été transférées, la charge de mener tout ou partie de la procédure de passation ou de l'exécution d'un ou de plusieurs marchés publics au nom et pour le compte des membres du groupement.

Il est utile d’intégrer dans la convention de groupement cette nouvelle disposition. En gardant bien à l’esprit qu’elle n’est donc valable que pour les communes membres de l’EPCI et ce dernier.

2. Le contenu de la convention

D’un point de vue pragmatique, la convention devra bien prévoir a minima les articles suivants (liste non exhaustive) :

  • définition du groupement permanent et de coordonnateur sans compétence ;
  • objet ;
  • durée ;
  • notion de coordonnateur et missions (non nominatif puisqu’il s’agit d’une convention-cadre) ;
  • obligations des membres ;
  • conditions d’adhésions et de retraits ;
  • dispositions financières éventuelles ;
  • substitution du coordonnateur ;
  • modifications éventuelles ;
  • litiges.

Pour plus de lisibilité, la convention peut prévoir un lien vers un tableau partagé en ligne où chaque nouveau membre ajoutera son nom. Ainsi, chacun sait avec qui il est en mesure d’échanger en vue de se grouper.

Les annexes qui découlent de la convention doivent être signées par la personne ayant délégation. Elles doivent reprendre (ici encore, la liste n’est qu’un canevas de départ) :

  • le nom de la collectivité signataire et du coordonnateur ;
  • l’objet de la consultation ;
  • les caractéristiques de la procédure (mapa, aoo, etc.) ;
  • le montant prévisionnel.

Un point de vigilance est à soulever. Si un membre adhérent du groupement ne dispose pas d’une délégation l’autorisant à participer à hauteur du montant prévisionnel de ses besoins propres, il devra délibérer pour autoriser son exécutif à participer.

Concrètement, si monsieur le maire de Bellecité n’est autorisé à signer des marchés qu’à hauteur de 10 000 € HT, il ne pourra pas, sans délibération spécifique, autoriser sa commune à rejoindre un groupement d’un montant supérieur.

Pour plus de souplesse, il est possible de prendre une délégation générale autorisant l’exécutif à signer un marché public, peu importe son montant. Cela n’est pas forcément contradictoire avec les principes démocratiques, puisque l’exécutif doit informer l’assemblée délibérante la plus proche dans le temps des actes pris sous délégation.

 

En conclusion, les groupements affichent sur le papier des promesses d’économies et renforcent les liens avec d’autres acheteurs. Cela ne nécessite qu’une délibération et une seule convention. Le temps ainsi libéré peut alors être consacré à des tâches plus opérationnelles. Votre bonne résolution pour 2021 ?