L’achat sur catalogue
L’acheteur public peut-il acheter sur catalogue ? Peut-il contracter avec un fournisseur et par la suite commander et choisir des articles à acheter sans les avoir préalablement définis ? On le voit bien, l’achat sur catalogue se heurte d’emblée au principe incontournable de la définition préalable des besoins (I). Pourtant, le recours au catalogue est commode pour certains types d’achats, comme les fournitures de bureaux, et les praticiens n’ont cessé d’y recourir. La doctrine a entériné cette pratique tout en la limitant à un caractère accessoire et supplétif (II). Une récente décision du Conseil d’État semble néanmoins ouvrir la voie à une utilisation du catalogue à titre principal (III), ce qui ne manquera pas de ravir la plupart des acheteurs publics.
I. La référence à un catalogue se heurte à la définition préalable des besoins
L’article 5 du Code des marchés publics dispose que « la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminés avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence, en prenant en compte des objectifs de développement durable ».Cette exigence juridique rejoint une nécessité technique, celle de définir ce que l’on veut exactement acheter préalablement à la remise de propositions par les candidats. Elle permet un achat efficace d'un point de vue économique. Elle garantit, de plus, l’égalité de traitement entre les candidats lors de l’analyse des offres, qui est un principe général de la commande publique (CMP, art. 1er).Pourtant, cette obligation de définition préalable peut parfois s'avérer contraignante pour le pouvoir adjudicateur. Tel est le cas pour des besoins récurrents sur des fournitures ou des services dont l’exactitude ne peut être anticipée au vu du nombre très important de références pour répondre à un besoin parfaitement identifié, comme les fournitures de bureau.Dans ce cas de figure, la doctrine a considéré que le catalogue pouvait être utilisé de façon supplétive. Néanmoins, le besoin doit nécessairement être défini sans renvoi général au catalogue. Telle est la réponse ministérielle en date du 15 avril 2008 à une question parlementaire sur l’utilisation des catalogues fournisseurs dans les marchés publics : « L'article 5 du Code des marchés publics fait obligation à l'acheteur public de déterminer avec précision la nature et l'étendue de ses besoins. Cette obligation a pour conséquence que l'acheteur doit préciser de manière suffisamment complète et compréhensible pour les candidats potentiels les fournitures faisant l'objet du marché et ne pas se contenter de renvoyer globalement aux catalogues des fournisseurs. »Dans le même sens, le Conseil d’État a, par sa décision Région Bourgogne en date du 8 août 2008, condamné le renvoi de la définition du besoin à un dispositif ultérieur en posant comme principe que doivent être définies « avec une précision suffisante les exigences relatives au contenu de la prestation ».
II. Le catalogue à titre accessoire
Depuis plusieurs années prévaut la possibilité de contractualiser le catalogue d’un fournisseur au surplus du bordereau des prix unitaires, ce qui permet d’offrir au pouvoir adjudicateur une marge de manœuvre pour réparer les oublis et de pouvoir commander un article ou un service qui, bien qu'en rapport avec l’objet du marché, n’a pourtant pas été listé dans le bordereau des prix.On le voit, la contractualisation du catalogue a alors comme objectif de pallier la définition préalable du besoin que l’on sait par avance incertaine. La pratique s’est généralisée, en particulier pour répondre à des besoins de maintenance ou de fournitures où le nombre important de références et l’obsolescence de plus en plus rapide des produits plaident pour cette solution.Dans ce cadre, il convient généralement de demander aux candidats d’indiquer dans leur acte d’engagement un rabais sur les prix publics du catalogue. C’est ce que préconise le ministère des Finances : « en revanche, le candidat peut toujours proposer dans son offre le taux de remise qu'il entend consentir sur le prix public de ses articles. C'est au regard de ce prix et du taux de remise mentionné dans l'offre que le pouvoir adjudicateur comparera, pour l'application du critère du prix, les offres qui lui sont soumises ».Cependant, il ne faut pas que ces achats, qui doivent rester marginaux, viennent modifier de manière substantielle la définition initiale du besoin. C’est ce que pointe Bercy dans la même réponse apportée à l’utilisation des catalogues : « Enfin, si certains articles, entrant bien dans l'objet du marché devaient avoir été oubliés par l'acheteur dans la liste de ses besoins telle qu'elle figure dans son dossier de consultation, ils pourraient soit être commandés au titulaire dans les bons de commande ou dans les marchés passés sur le fondement d'un accord-cadre au titre de complément de l'offre, soit donner lieu à la conclusion d'un avenant dans d'autres formes de marchés. La règle que devra cependant respecter l'acheteur public est que ces ajouts ou avenants ne modifient pas substantiellement l'offre initiale du titulaire du marché, et qu'a fortiori elle ne bouleverse pas l'économie du marché. »
III. Vers l’achat sur catalogue
La décision Société SFR du Conseil d’État, rendue le 15 février 2013, semble autoriser l’acheteur public à acheter uniquement sur la base d’un catalogue. Par cet arrêt, les juges du Palais-Royal valident officiellement l’utilisation du catalogue. Le point 14 de ce dernier va même plus loin : « Considérant [...] que la société SFR soutient qu'en se contentant, à plusieurs reprises, de renvoyer la définition de ses besoins aux catalogues fournis par les candidats, le département de l'Allier a méconnu les dispositions de l'article 5 du Code des marchés publics en vertu duquel il appartient au pouvoir adjudicateur de définir avec précision la nature et l'étendue de ses besoins ; que l'article 10 du cahier des clauses techniques particulières indique, toutefois, de manière suffisamment précise et détaillée, les besoins du département de l'Allier pour les services portant sur le lot n° 4 ; qu'il n'est, dès lors, pas établi que le pouvoir adjudicateur aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du Code des marchés publics ».Il ressort de cette décision que le Conseil d’État considère que le recours au catalogue en lieu et place d’un bordereau des prix est possible dans la mesure où la définition préalable des besoins est par ailleurs assurée, ce qui était le cas en l’espèce. En effet, le cahier des clauses techniques particulières définissait précisément le contenu des prestations, seule son expression chiffrée était renvoyée à un catalogue devant être fourni par les candidats.Au regard de sa mention dans les tables du Recueil Lebon, cet arrêt se veut un arrêt de principe. On peut se réjouir que, sans faire l’économie d’une correcte définition des besoins, l’acheteur public puisse dorénavant plus librement avoir recours au catalogue lorsque l’expression du besoin ne peut pas ou ne résulte pas de l'établissement d’un bordereau.Sources :