Contrôle de la suffisante définition du besoin par le juge

Par François Fourmeaux

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La définition du besoin par l’acheteur constitue un exercice incontournable, parfois délicat, de toute procédure de passation d’un marché public. Comme le rappelle le Ministère de l’Économie, les enjeux qui y sont attachés sont tant d’ordre pratique (permettre au titulaire d’exécuter le marché d’une manière conforme aux attentes de la collectivité), que juridique (garantir le respect des principes de la commande publique et s’assurer d’une juste estimation du montant du marché et du choix de la procédure). Il en va donc de l’intérêt aussi bien de l’acheteur que des candidats que la phase de détermination des besoins soit réalisée avec le plus grand soin.

Reprenant la formule de l’article 5 de l’ancien Code des marchés publics, l’article 30 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 dispose ainsi que « la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation […] ». Un acheteur ne saurait donc préciser, postérieurement au lancement de la procédure de passation, les exigences relatives au contenu d’une prestation (CE, 8 août 2008, n° 307143, Région Bourgogne), pas plus qu’il ne peut offrir aux candidats la faculté de proposer des « prestations complémentaires », sans les décrire (CE, 15 déc. 2008, n° 310380, Communauté urbaine de Dunkerque).

Dans la décision ici commentée du 21 novembre 2017, un département avait lancé une procédure adaptée pour la passation d’un marché de transport et d’installation d’œuvres d’art pour une exposition. L’un des candidats évincés a demandé l’annulation du contrat, invoquant notamment l’insuffisante détermination des besoins par la collectivité. Cette dernière avait en effet invité les candidats à se rapprocher de quelques-uns des musées prêteurs d’œuvres, afin qu’ils se fassent détailler les conditions d’emballage et de transport de certains biens.

Au visa de l’article 5 de l’ancien Code des marchés publics, applicable en l’espèce, la cour administrative d’appel de Nancy rejette le moyen aux motifs que la collectivité a (1) énuméré les différentes prestations à exécuter, (2) imposé les moyens techniques nécessaires à l’exécution du marché et (3) précisé que le titulaire devait respecter l’intégrité des œuvres et les consignes d’emballage données par les musées. Elle ajoute que la demande faite aux candidats de se rapprocher de quelques musées pour un nombre minoritaire d’œuvres d’art « ne saurait caractériser une insuffisance de définition de la nature et de l'étendue des besoins à satisfaire, ou faire reposer la définition des besoins du département sur les candidats, de nature à affecter le choix du cocontractant ».

Au vu de tous ces éléments, la cour estime donc que le département ne s’est pas « déchargé » sur les candidats de son obligation de définir précisément ses besoins.

Pour finir, précisons que s’agissant des contrats de concessions, la formule textuelle est plus souple, l’article 27 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 se contentant d’énoncer que « la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation […] » (sans mention, donc, d’une détermination « avec précision »). Le Conseil d’État n’en censure pas moins la procédure de passation d’une concession dont le périmètre et le montant des investissements sont imprécis et reflètent une insuffisante détermination des besoins par la collectivité (CE, 15 nov. 2017, Commune du Havre, à propos d’une concession de réseau de chaleur).

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