Travaux à proximité des réseaux : sécuriser et localiser !

Par Laurence Martini

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Le décret du 22 octobre 2018 relatif à la sécurité des travaux effectués à proximité des ouvrages de transport et de distribution donne quinze jours supplémentaires aux exploitants de réseaux pour mener les opérations de localisation dans la zone du projet envisagée par la déclaration de travaux afin de respecter les critères de précision ; il indique également les dispositions nécessaires à prendre par le maitre d’ouvrage sur demande des exploitants  à défaut de plans précis.

Qui ne se souvient pas de l’explosion de gaz à Lyon le 28 février 2008, suite à des travaux sur la voie publique qui a provoqué la mort d’un sapeur–pompier, et fait plusieurs blessés ainsi que de nombreux dégâts matériels ? 

Dix ans après ce drame, les dommages causés aux ouvrages sensibles (gaz et matières dangereuses) ont réduit de moitié et diminué d’un tiers pour les autres réseaux enterrés (eaux, assainissements, télécommunications).

En effet, dès 2010, le législateur est intervenu en modifiant profondément le Code de l’environnement et en durcissant petit à petit la réglementation en matière de prévention des endommagements. Ainsi, la loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 dite loi « Grenelle II » a intégré des dispositions visant à prévenir les risques en matière de travaux souterrains, aériens ou subaquatiques de transport et de distribution. Elle a été complétée par de nombreux décrets et arrêtés. 

Mais c’est surtout le décret du 5 octobre 2011 qui marque un tournant dans la réglementation. En effet, il entérine un guichet unique, placé auprès de l’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques, permettant une information unique et centralisée des réseaux et de leur exploitant à disposition de tous les maitres d’ouvrage. Il impose aussi de nombreuses obligations supplémentaires pour toutes les parties concernées par la réalisation du projet (construction, réhabilitation, rénovation etc) : entreprises, maitres d’ouvrages, exploitants de réseaux.

Le Code de l’environnement dans ses articles et R. 554-1 et suivants, impose aux maitres d’ouvrage ou à leur représentant que le chantier se déroule en tout sécurité. Pour cela, ils doivent connaitre si à proximité des travaux envisagés, certains réseaux sont existants. De son côté et à cette fin, les exploitants de réseaux ont l’obligation de fournir toutes les informations nécessaires et utiles aux maitres d’ouvrage et de collaborer étroitement avec ces derniers. Notamment, ils doivent constituer une cartographie précise de tous les ouvrages au plus tard au 1er janvier 2019 pour les territoires urbains et au plus tard le 1er janvier 2026 pour tout le territoire. 

Le décret du 22 octobre 2018 modifiant les articles R.  554-22, -23, -25, -27, -28 et -34 prend surement acte des difficultés que rencontrent les exploitants de réseaux pour constituer cette cartographie et propose certains aménagements dans la relation entre maitres d’ouvrage et exploitants. Néanmoins, ces dispositions ne seront qu’applicables qu’au 1 janvier 2020. 

Ce décret donne un délai supplémentaire de quinze jours aux exploitants de réseaux pour respecter pleinement leurs obligations envers les maitres d’ouvrage. 

En effet, selon l’article R. 554-23 du Code de l’environnement, les maitres d’ouvrage ont l’obligation de communiquer, dans le dossier de consultation des entreprises la localisation exacte des réseaux existant dans l’emprise du projet soit en mettant à disposition une « copie de l'ensemble des déclarations de projet de travaux qu'ils ont effectuées et des réponses reçues des exploitants d'ouvrages en service, » et/ou en mettant à disposition leurs propres « résultats d’investigation ».

Ils doivent ainsi avant tout lancement d’un marché de travaux adresser une déclaration de travaux (DT) à tous les exploitants de réseaux concernés. Ces derniers disposent d’un délai de 9 jours pour fournir cartes et indications techniques spécifiques pour la réussite du chantier. Désormais avec le décret du 22 octobre, lorsque l’exploitant doit réaliser des mesures de localisation de ses ouvrages afin de respecter les critères de précision, il dispose alors d’un délai supplémentaire de quinze jours (jours fériés non compris) ; il devra néanmoins en informer le maitre d’ouvrage dans le délai de neuf jours. 

En conséquence, si le premier délai de neuf jours était à prendre en compte dès la conception du chantier, comme le préconise l’organisme de prévention du BTP, il le sera d’autant plus avec ce nouveau délai. 

Le décret modifie également le paragraphe II de l’article R. 554-23 du Code l’environnement, en formulant quelques indications aux maitres d’ouvrage sur les dispositions à prendre lorsque les informations données par l’exploitant ne sont pas conformes aux exigences demandées par la catégorie de tronçon concernée. En effet, en 2020, lorsque les réponses apportées par l’exploitant ne respecteront pas les critères de précisions requis (pour lesquelles l’exploitant à disposer de quinze jours supplémentaires), le maitre d’ouvrage devra procéder à des investigations à la demande des exploitants et à leur charge. Ces investigations devront être réalisées par un prestataire certifié et cela avant tout commencement des travaux, soit dans le cadre d’un marché séparé soit dans un lot séparé des marchés de travaux. Le résultat de ces investigations devra ainsi être inséré en fonction de la démarche choisie soit dans le dossier de consultation des entreprises, soit directement dans les marchés de travaux. Si les investigations ne permettent pas de connaitre avec exactitude la localisation des réseaux, les marchés de travaux devront prévoir toutes les clauses nécessaires à la bonne conduite du projet. Cependant, il est rappelé que dans un certain nombre de cas, les maitres d’ouvrage sont contraints de procéder eux-mêmes et sans invitation des exploitants de réseaux à des opérations d’investigation et cela à leur propre charge. 

Ainsi, il appartiendra aux maitres d’ouvrage et à leurs représentants de bien anticiper toutes les séquences du projet à réaliser, de les insérer dans un planning de travail adapté aux difficultés susceptibles d’être rencontrées. Et comme le souligne la Banque des Territoires, ils devront également prévoir les crédits correspondants car « le délai supplémentaire sollicité aux exploitants de réseaux pourrait impliquer que les maîtres d’ouvrage continuent à payer en 2019 et 2020 ».