Dans quel cas l’acheteur doit-il exiger des candidats la production de justificatifs pour l’analyse des offres ?
Dans le cadre d’un contentieux relatif à un accord-cadre de service de transport scolaire, le Conseil d’État a précisé la teneur de l’obligation pour l’acheteur d’exiger des justificatifs des candidats. Ce n'est qu'en présence d'une caractéristique technique déterminée, faisant l'objet d’une évaluation précise au regard des critères et sous-critères choisis, que celui-ci doit exiger de tels justificatifs.
Par une décision Société Autocars de l’Île de Beauté (CE, 9 nov. 2015, n°392785), le Conseil d’État a posé le principe suivant : « lorsque, pour fixer un critère d'attribution du marché, le pouvoir adjudicateur prévoit que la valeur des offres sera examinée au regard d'une caractéristique technique déterminée, il lui incombe d'exiger la production de justificatifs lui permettant de vérifier l'exactitude des informations données par les candidats ».
Cette jurisprudence ne consacre pas une obligation générale de vérification de l’exactitude des offres. Ce n’est que si le pouvoir adjudicateur exige des candidats une caractéristique technique particulière qu’il doit demander des justificatifs aux candidats. Toutefois, la règle étant relativement récente, sa portée doit encore être précisée. Et c’est sous cet angle que doit s’envisager la décision commentée.
Le point de départ du litige est un référé précontractuel dirigé contre un lot d’un accord-cadre ayant pour objet l'exécution de services de transport public de voyageurs à vocation scolaire. Dans le règlement de consultation de la procédure en cause, l’âge des véhicules affectés à l’exécution de l’accord-cadre constituait un élément d’appréciation d’un sous-critère « qualité des véhicules » du critère « valeur technique » de l’offre.
Or, le juge des référés du tribunal administratif de Nice note que le pouvoir adjudicateur n’a pas demandé aux candidats, que ce soit dans le règlement de la consultation ou dans tout autre document du dossier de consultation des entreprises, de produire des justificatifs lui permettant de contrôler effectivement l’exactitude des informations fournies en ce qui concerne l’âge des véhicules proposés pour assurer l’exécution de l’accord-cadre et annule donc la procédure.
Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État ne suit pas ce raisonnement et censure l’ordonnance du juge des référés, en considérant que le règlement de consultation ne faisait pas de l'âge des véhicules une exigence particulière sanctionnée par le système d'évaluation des offres.
L’approche choisie est très stricte et dans la droite ligne d’une décision antérieure du 22 juillet 2016 (CE, 22 juill. 2016, n° 396597) : le règlement de consultation ne visait que la « qualité des véhicules » et pas leur âge, lequel ne constituait donc qu’un élément d’appréciation du critère parmi d’autres. On peut supposer que si le sous-critère avait porté sur l’état d’usage ou l’ancienneté des véhicules, la décision aurait été différente.
L’acheteur doit donc retenir que ce n’est qu’en présence d’une caractéristique technique déterminée qui est directement sanctionnée par le système d’évaluation des offres qu’il doit demander la production de justificatifs aux candidats lui permettant de vérifier l’exactitude de leurs informations. Cela va donc de pair avec une vigilance accrue lors du choix et de la formulation des critères et sous-critères.
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