L’existence de réserves n’est pas un obstacle à l’établissement du décompte définitif
Le chemin vers le règlement d’un marché de travaux est long et sinueux. Les différentes étapes à réaliser cachent des subtilités qui rendent parfois difficile leur compréhension par les acheteurs et les titulaires. Un contentieux tranché le 6 juin 2017 par la cour administrative d’appel de Paris nous livre un exemple de procédure contraire aux règles du cahier des charges administratives générales. L’existence de réserves à signaler au titulaire n’est jamais un obstacle à la délivrance du décompte général par le maître de l’ouvrage, rappelle le juge. Sans doute l’objectif de réduction drastique des délais de paiement cachés, qui pèsent sur la trésorerie des entreprises est-il aussi un des éléments importants dans cette décision.
La ville de Paris a engagé la réhabilitation de la Halle Pajol, située le long des voies de la gare de l’Est, pour en faire un espace partagé entre une bibliothèque municipale, une auberge de jeunesse, des salles de séminaire et de spectacle, des locaux commerciaux et un fablab notamment. Parmi les nombreux lots de ce marché figurait le classique « courant fort-courant faible ». Le marché exécuté, et les travaux réceptionnés, le titulaire a adressé au maître d'œuvre et au maître d'ouvrage un projet de décompte final, assorti d'un mémoire en réclamation. Sans réponse de la ville de Paris, le titulaire l’a mis en demeure de produire un décompte général. Le pouvoir adjudicateur y a opposé un refus, au motif que les réserves n'avaient toujours pas été levées sur le lot.
Le juge d’appel, comme le juge de première instance, donnent raison au titulaire : il doit bénéficier de la notification d’un décompte général par le maître d’ouvrage, même si des réserves restent à lever. En effet souligne le juge, la circonstance que des réserves restaient à lever n'est pas de nature à faire obstacle à l'obligation de notification du décompte général par le maître d'ouvrage, dès lors que celui-ci avait la possibilité, le cas échéant, de réserver les sommes correspondantes à la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves au sein de ce décompte. Seule exception ouverte par le juge, mais non réalisée en l’espèce : que les réserves émises par le pouvoir adjudicateur soient si importantes qu'elles fassent obstacle à l'établissement d'un décompte.
Le titulaire du marché n’a en revanche pas retourné la jurisprudence très établie sur la réparation de dommages ou retards subis par les entrepreneurs dans les marchés à prix forfaitaire. En l’espèce, le pouvoir adjudicateur n’était pas la cause des dommages subis et le titulaire n’avait pas subi de « sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat » : il ne pouvait prétendre à une indemnisation supplémentaire au prix du marché. Seuls les travaux supplémentaires notifiés par le pouvoir adjudicateur par ordre de service augmentent le montant à verser au titulaire.
Dans la mesure où le délai de paiement réel entre la livraison de travaux et l’écoulement des différents délais intermédiaires peut atteindre près de 180 jours en théorie, il est salutaire que les juges du fond se montrent stricts et refusent l’étirement des délais pour des motifs non fondés. Tout demeurant très stricts aussi sur les conditions d’indemnisation des travaux supplémentaires !
Sources :
- CAA de Paris, 6 juin 2017, n° 16PA00433, Société Ineo Tertiaire Île-de-France
- CCAG Travaux, art. 13.3.1 et 13.3.2