Marchés négociés sans mise en concurrence : attention au saucissonnage
Une réponse ministérielle du 24 avril est venue préciser les modalités d’appréciation du seuil de 25 000 euros HT en dessous duquel l’acheteur peut passer un marché négocié sans mise en concurrence.
L’article 30 – 1, 8° du décret n° 2016-360 autorise les pouvoirs adjudicateurs à conclure, sans publicité ni mise en concurrence préalables, les marchés publics répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 25 000 euros HT. Dans cette hypothèse, les seules obligations pesant sur l'acheteur consistent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu'il existe une pluralité d'offres susceptibles de répondre au besoin.
Comment décompter cette somme de 25 000 euros HT ? Telle était la question de M. Jean-Luc Fugit, député de la 11e circonscription du Rhône, qui souhaitait notamment savoir si celle-ci se décomptait annuellement, permettant alors de conclure un contrat de moins de 25 000 euros HT chaque année, ou s'il s'agissait d'une somme forfaitaire attachée à un contrat, sans référence à une donnée annuelle.
Dans un premier temps, le ministre rappelle de manière classique les modalités de calcul de la valeur estimée du besoin, laquelle repose sur la base du montant total hors taxe du ou des marchés publics envisagés, en tenant compte des options et reconductions éventuelles ; et diffère selon qu'il s'agit d'un marché public de travaux ou d'un marché public de services et de fournitures.
En effet, dans le cas d’un marché de travaux l'acheteur doit prendre en compte la valeur globale des travaux se rapportant à une même opération, à laquelle doit être ajoutée la valeur estimée des fournitures et des services nécessaires à leur réalisation que l'acheteur met à la disposition des titulaires et ce, quels que soient le nombre d'opérateurs économiques auquel il est fait appel et le nombre de marchés publics à passer.
En matière de fournitures et de services, l'acheteur doit prendre en compte la valeur totale des fournitures ou services susceptibles d'être regardés comme homogènes soit en raison de leurs caractéristiques propres, soit parce qu'ils constituent une unité fonctionnelle et là encore, le nombre d'opérateurs économiques auquel il est fait appel et le nombre de marchés publics à passer est indifférent.
On le voit bien : pas de problématique de temporalité ici, il est important de raisonner en matière d’opération de travaux et de fournitures et services homogènes.
Dans un deuxième temps, le ministre s’attarde un peu plus sur la problématique des marchés de fournitures ou services, en distinguant selon le caractère régulier ou ponctuel du besoin :
- lorsque le besoin est régulier, la valeur estimée doit être calculée sur la base soit du montant hors taxe des prestations exécutées au cours des douze mois précédents, en tenant compte des évolutions susceptibles d'intervenir, soit de la valeur estimée des prestations qui seront exécutées au cours des douze mois ou de l'exercice budgétaire qui suit la conclusion du marché public ;
- lorsque le besoin est ponctuel, la valeur à prendre en considération pour déterminer si un marché public peut être négocié sans publicité ni mise en concurrence, en application du 8° du I de l'article 30 du décret n° 2016-360, est celle de l'ensemble des prestations qui ont vocation à être exécutées dans le cadre d'un ou de plusieurs contrats en tenant compte de la durée totale de ceux-ci.
Dans le cas d’un besoin régulier, le ministre précise donc bien qu’il faut raisonner en partant d’un décompte annuel.
En d’autres termes, l’acheteur doit d’abord déterminer la nature de son marché public : travaux, d’une part, fournitures et services, d’autre part. Puis en présence d’un marché de fournitures ou de services, l’acheteur doit également distinguer selon qu’il se situe en présence d’un besoin ponctuel ou régulier ; dans cette dernière hypothèse, la période minimale à retenir pour estimer le besoin et donc la possibilité de passer un marché négocié sans mise en concurrence est d’une année.
Le ministre rappelle enfin que le besoin ne doit pas être scindé de façon artificielle dans le but de bénéficier de règles de passation allégées, sous peine d'entacher la procédure d'attribution d'illégalité : c’est la pratique bien connue du « saucissonnage », qui fait l’objet de nombreuses illustrations jurisprudentielles (CE, 14 janv. 1998, n° 155409, Région Centre).
Sources :
- Rép. min. n° 6870 : JOAN, 24 avril 2018, Fugit J.-L.
- D. n° 2016-360 du 25 mars 2016, art. 30
- CE, 14 janvier 1998, n° 155409, Région Centre