À partir de quel montant les pénalités de retard deviennent-elles manifestement excessives ?
C’est une question que se posent régulièrement les acheteurs publics au moment de rédiger leurs cahiers des charges. Dans un arrêt en date du 8 juin 2018, la cour administrative de Paris a ainsi jugé que, compte tenu du retard très important pris dans l’exécution d’un marché de travaux, l’application d’une pénalité représentant 14,2 % du montant du marché n’est pas « manifestement excessive ».
Les pénalités de retard, dans un marché public, ne peuvent être considérées uniquement sous l’angle de l’indemnisation dans le sens où elles représentent également, pour le pouvoir adjudicateur, une arme contre l’entrepreneur peu diligent.
Toutefois, avant d’être une arme, encore faut-il que ces pénalités présentent un caractère dissuasif, sans pour autant être manifestement excessif. Et c’est là qu’apparaît toute la difficulté de trouver un curseur pertinent.
D’autant que la liberté des acheteurs publics n’est pas absolue, depuis que la jurisprudence « OPHLM de Puteaux » (CE, 29 déc. 2008, n° 296930) a ouvert au juge administratif la possibilité de moduler les pénalités, lorsqu'elles s'avèrent « manifestement excessives ou dérisoires ».
Un contentieux portant sur la problématique de l’application intégrale des pénalités de retard a donc vu le jour ; et le dernier apport en date s’est matérialisé dans un arrêt du Conseil d’État qui a rappelé le caractère exceptionnel de ce pouvoir de modulation, et fait obligation au titulaire « de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités de retard présentent selon lui un caractère manifestement excessif » (CE, 19 juil. 2017, n° 392707, Société GBR Ile-de-France).
Dans l’arrêt qui nous intéresse, SNCF Mobilités avait confié la réalisation de la couverture, de la mise en sécurité et du désenfumage du bâtiment d’un technicentre. Dans le cadre d’un contentieux, la société contestait notamment le montant des pénalités de retard, s’élevant à 150 646,93 euros HT, soit 14,2 % du montant du marché.
La cour administrative d’appel de Paris constate dans un premier temps que les documents particuliers du marché ont institué une pénalité spéciale, à laquelle la société a consenti. Dans un second temps, elle rappelle le nombre de jours de retard de la société, 119, et note que celle-ci n'apporte aucun élément de nature à établir que tout ou partie du retard qui a été en définitive retenu à son égard ne lui serait, en réalité, pas imputable.
Enfin, la cour administrative d’appel considère que, compte tenu du retard très important pris dans l'exécution des travaux, la société n'est pas fondée à soutenir que les pénalités ont atteint un montant manifestement excessif.
L’intérêt de cet arrêt est d’appréhender, de manière concrète, la manière dont procède le juge pour se prononcer sur les problématiques de pénalités de retard. Le montant de ces dernières ne doit donc pas être regardé de manière isolée : c’est confronté au contexte, aux conditions d’exécution du marché, qu’il révèlera son caractère excessif ou non.
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