Pas de présomption d’urgence à ordonner la reprise des relations contractuelles
Par une décision en date du 18 décembre 2017, le Conseil d’État rappelle que l’urgence à ordonner la reprise des relations contractuelles ne se présume pas ; le requérant doit en faire la démonstration.
En l’espèce, à la suite d’une mesure de résiliation unilatérale du marché de maîtrise d’œuvre par la commune, certains membres du groupement titulaire du marché ont introduit deux recours visant à la reprise des relations contractuelles sur le fondement de la jurisprudence du Conseil d’État dite « Béziers II » du 21 mars 2011, d’une part, un recours de plein contentieux à l’encontre de ladite mesure de résiliation et, d’autre part, un référé suspension.
Saisi de ces recours, le tribunal administratif de Grenoble a, dans le cadre du référé suspension, suspendu la décision de résiliation, estimant que la condition d’urgence était remplie au motif que « la résiliation n’était pas justifiée par des manquements des cocontractants de l’administration à leurs obligations ».
Avant de censurer le raisonnement du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, le Conseil d’État rappelle les modalités d’appréciation de l’urgence en référé suspension, issues de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative et de sa décision Béziers II du 21 mars 2011 qui précise qu’il incombe au juge des référés « de prendre en compte, pour apprécier la condition d'urgence, d'une part, les atteintes graves et immédiates que la résiliation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant, notamment à la situation financière de ce dernier ou à l'exercice même de son activité, d'autre part, l'intérêt général ou l'intérêt de tiers, notamment du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse, qui peut s'attacher à l'exécution immédiate de la mesure de résiliation ».
En l’espèce, le Conseil d’État relève donc que c’est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble avait considéré que la condition d’urgence était remplie « par principe », motif pris de l’absence de manquement de la part des cocontractants à leurs obligations contractuelles.
Le Conseil d’État souligne qu’une telle circonstance est sans incidence sur l’appréciation de l’urgence et surtout que l’urgence ne saurait être présumée contrairement à ce qu’avait indiqué le juge administratif grenoblois.
Décidant de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, le Conseil d’État rejette la demande de suspension des requérants, soulignant que la perte de chiffre d’affaire égale à 25 % ainsi qu’une atteinte à leur réputation ne permettent pas d’établir l’urgence à suspendre la décision de résiliation.
Cette décision contentieuse, dans la droite lignée de la jurisprudence précédente en la matière, affirme donc que l’urgence à suspendre une décision de résiliation d’un marché public :
- ne peut être présumée ;
- ne peut être caractérisée par l’absence de manquement à leurs obligations contractuelles par les titulaires du marché.
Sources :
- CE, 18 décembre 2017, n° 412066, Commune d’Anthy-Sur-Leman
- Code de justice administrative, art. L. 521-1 et L. 821-2