La réforme du droit des marchés publics : l’avis de marché et l’avis de concours

Par Laurent Chomard

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L’avis de marché a remplacé l’avis d’appel public à la concurrence dans la nouvelle réglementation des marchés publics. Au-delà de l’appellation du formulaire de publicité qui correspond dorénavant à l’appellation des formulaires européens, les obligations de publicité préalable restent globalement les mêmes pour les collectivités locales. Cependant, des modifications existent, indétectables de prime abord. Elles sont suffisamment nombreuses pour que nous nous y consacrions pleinement. C’est pourquoi, nous n’aborderons pas ici les avis de pré-informations et autres avis précédant l’avis de marché ; même si une des grandes nouveautés concerne l’avis de pré-information qui peut désormais remplacer dans certains cas et de façon très encadrée, la publication d’un avis de marché.

L’article 41 de l’ordonnance no 2015-899 du 23 juillet 2015 dispose que : « Afin de susciter la plus large concurrence, les acheteurs procèdent à une publicité dans les conditions et sous réserve des exceptions définies par voie réglementaire, selon l’objet du marché public, la valeur estimée hors taxe du besoin ou l’acheteur concerné. » Ces conditions sont décrites aux articles 31 à 37 du décret no 2016-360 du 25 mars 2016 (DMP). Nous étudierons d’abord les modifications affectant les obligations de publicité communes à l’ensemble des procédures, puis celles spécifiques aux marchés à procédures adaptées (MAPA) et enfin le cas particulier de l’avis de concours qui, comme son nom l’indique, n’est pas un avis de marché. 

I. Les modifications communes à l’ensemble des procédures

Dans le décret no 2016-360 relatif aux marchés publics, chaque type de procédure a droit à un article spécifique concernant la publicité préalable des avis de marché : l’article 33 pour les procédures formalisées, l’article 34 pour les MAPA de « droit commun », c’est-à-dire les MAPA de l’article 27 du décret, l’article 35 pour les MAPA, quel que soit leur montant, c’est-à-dire les marchés publics de services sociaux et autres services spécifiques, mentionnés à l’article 28 du décret. En revanche, aucun article ne traite de l’avis de marché concernant les MAPA de services juridiques de représentation de l’article 29 et pour cause, c’est cet article lui-même qui prévoit en son alinéa I-2 que « L’acheteur définit librement les modalités de publicité et de mise en concurrence en fonction du montant et des caractéristiques du marché public ». Notons que cette présentation des règles de publicité est plus claire que dans l’ancien code où un seul article 40 traitait l’ensemble des règles de publicité, mais au prix de nombreux renvois d’articles.De même, l’expression des seuils de publicité est plus rigoureuse. Ainsi, contrairement à l’article 40 qui parlait d’un seuil compris entre 25 000 euros et 90000 euros, sans autre indications, le décret lui est plus précis et indique « en dessous de 90 000 euros » puis pour le seuil suivant mentionne que « lorsque la valeur estimée du besoin est égale ou supérieure à 90 000 euros HT ».Pour les procédures formalisées, l’article 33 du décret pose les obligations de publicité et comme dans l’ancien code, l’acheteur devra publier un avis de marché dans le Bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Journal officiel de l’Union européenne.  On notera qu’à la différence de l’ancien code, il n’est plus indiqué que l’acheteur a l’obligation de publier l’avis de marché sur son profil d’acheteur (plateforme de dématérialisation des marchés publics). Cela n’est pas totalement vrai, car cette obligation demeure en vertu des articles 38 et 39 du décret. L’article 38 stipule en effet que « les documents de la consultation sont l’ensemble des documents fournis par l’acheteur ou auxquels il se réfère afin de définir ses besoins et de décrire les modalités de la procédure de passation, y compris l’avis d’appel à la concurrence ».Or, l’article 39 prévoit que « les documents de la consultation sont gratuitement mis à disposition des opérateurs économiques sur un profil d’acheteur » et ce, actuellement, dès 90 000 euros pour les collectivités territoriales, en vertu de l’article 39-IV, al. 2. Cela signifie que l’acheteur doit aussi publier un avis de marché sur son profil d’acheteur pour toute procédure dont la valeur estimée du besoin est égale ou au-dessus de 90 000 euros HT.Autre règle de publicité commune à l’ensemble des procédures, celle de la publicité supplémentaire. Dans chacun des articles sur la publicité préalable, soit les articles 33, 34 et 35, un dernier alinéa reprend une disposition déjà présente dans l’ancien code : « L’acheteur peut faire paraître une publicité supplémentaire sur un autre support que celui choisi à titre principal. » Mais, il est précisé en outre que cette publicité supplémentaire peut n’être que partielle à condition qu’elle indique les références de cet avis. 

II.  Les modifications spécifiques aux marchés à procédures adaptées

Il existe deux sortes de MAPA. Les MAPA de droit commun (voir art. 27 du DMP) et ceux des marchés publics sociaux et autres services spécifiques (voir art. 28 du DMP). Chacun est l’objet de dispositions qui lui sont propres. En ce qui concerne les MAPA de droit commun, les obligations de publicité se distinguent nettement, selon que l’on soit en dessous ou au-dessus du seuil des 90 000 euros HT. Nous allons étudier successivement les modifications ayant affectées ces trois régimes juridiques de publicité préalable.a) Les modifications spécifiques aux MAPA, art. 27 du décret en dessous de 90 000 eurosPour les MAPA de droit commun, en dessous de 90 000 euros HT, les règles n’ont pas changées, le pouvoir adjudicateur « choisit librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché public, notamment le montant et la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause ». À noter cependant que l’ancien code ne parlait de publicité adaptée qu’entre 25 000 euros et 90 000 euros. Cela signifie-t-il que l’on doive faire une publicité adaptée en dessous de 25 000 euros ? La Direction des Affaires juridiques de Bercy (DAJ), dans son tableau sur les avis de publicité, indique que celle-ci est alors facultative. Il est vrai qu’en dessous de 25 000 euros, on peut désormais procéder à un négocié sans publicité, ni mise en concurrence préalable, conformément à l’article 30-al 8 du décret, mais si l’on décide de faire un MAPA, la publicité n’est pas facultative, sauf à considérer qu’une publicité rime forcement avec publication. La jurisprudence devra préciser ce point.b) Les modifications spécifiques aux MAPA, art. 27 du décret au-dessus de 90 000 euros Entre 90 000 euros et les seuils de procédure formalisée, l’article 34 indique, que le pouvoir adjudicateur publie un avis de marché soit au BOAMP, soit dans un JAL (journal d’annonces légales dont la liste est édictée par chaque préfet pour chaque département). De plus, l’acheteur apprécie si, compte tenu de la nature ou du montant des fournitures, des services ou des travaux en cause, une publication dans un journal spécialisé correspondant au secteur économique concerné ou au Journal officiel de l’Union européenne est nécessaire pour garantir l’information des opérateurs économiques raisonnablement vigilants pouvant être intéressés par le marché public. Le dispositif est similaire à l’ancien code. Sauf que l’article 34-b prévoit une obligation de publicité éventuelle au Journal officiel de l’Union européenne qui n’existait pas dans l’ancien code.Autre modification : la disparition d’un formulaire spécifique à respecter pour les avis au BOAMP ou dans un JAL puisque a disparu la phrase stipulant que « cet avis est établi conformément au modèle fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie ».c) Les modifications spécifiques aux procédures adaptées de l’article 28 du décretPour les marchés à procédures adaptées, quel que soit le montant de la valeur estimée des besoins, c’est-à-dire pour les marchés de services sociaux et autres services spécifiques de l’article 28 du décret, comme dans l’ancien code, l’acheteur définit librement les mesures de publicité adaptées.À savoir cependant que cela concernait beaucoup plus de marchés dans l’ancien code, puisque cela visait tous les marchés de services, non listés par l’article 29 du code 2006. Autre différence de taille, la publicité librement adaptée ne s’applique que jusqu’au seuil de procédures formalisées.En effet, l’article 35 prévoit que « lorsque la valeur estimée du besoin est égale ou supérieure au seuil européen applicable à ces marchés publics », c’est-à-dire actuellement 750 000 euros HT comme indiqué dans l’avis relatif aux contrats de la commande publique ayant pour objet des services sociaux et autres services spécifiques, l’acheteur publie soit un avis de marché, soit un avis de préinformation (un avis périodique indicatif si l’acheteur agit en tant qu’entité adjudicatrice). « Cet avis est publié au Journal officiel de l’Union européenne dans les conditions prévues à l’article 36 ». À noter que dès 90 000 euros HT, l’avis d’appel à la concurrence doit être publié sur le profil d’acheteur en vertu des articles 38 et 39 du décret, vu précédemment. De même, une publicité supplémentaire est possible, comme nous l’avons vu plus haut. 

III. Le cas à part de l’avis de concours

Comme l’indique l’article 8 de l’ordonnance, le concours n’est plus un mode de passation de marché public, mais « un mode de sélection par lequel l’acheteur choisit, après mise en concurrence et avis d’un jury, un plan ou un projet » ; mais celui-ci est généralement suivi d’une procédure négociée (voir art. 30, al. 6) comme le prévoit l’article 90, al. II-1 du décret relatif aux marchés publics.L’article 88, al. 1 du décret indique que : « L’acheteur qui organise un concours défini à l’article 8 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée publie un avis de concours dans les conditions prévues aux articles 33, 34 et 36. Lorsqu’il entend attribuer un marché public de services au lauréat ou à l’un des lauréats du concours en application du 6° du I de l’article 30, il l’indique dans l’avis de concours. » Un avis de concours, conforme au modèle européen, est donc publié au JOUE et au BOAMP (si le montant estimé du marché est supérieur aux seuils).À noter qu’il n’existe plus de délais réglementaires de publicité à respecter pour un concours de maîtrise d’œuvre. Aucun délai n’est précisé à l’article 88 du décret, contrairement aux autres procédures (comme à l’article 67 pour l’appel d’offres ouvert, le délai ordinaire étant passé à 35 jours au lieu des 52 jours sous l’empire de l’ancien code).Le guide édité par l’ordre des architectes indique quant à lui que « le délai recommandé de réception des candidatures est au minimum de 30 jours à compter de l’envoi de l’avis de concours à la publication (ce délai s’inspire de celui prévu pour les procédures formalisées) », (voir p. 8 du mini-guide de l’ordre des architectes sur la maîtrise d’œuvre).Sources :

Publié le 5 janvier 2017 (Lettre Légibase Marchés publics n° 168)