Précisions sur le recours « transmanche » en contestation du refus de résiliation du contrat
Une première application notable de la jurisprudence du Conseil d’État Syndicat mixte de promotion de l'activité transmanche (CE, 30 juin 2017, no 398445) permet de constater à quel point le recours en contestation du refus de résiliation d’un contrat s’annonce difficile à mettre en œuvre.
(CE, 30 nov. 2018, no416628, GIE Groupement périphérique des huissiers de justice)
Le cadre du recours en contestation par un tiers d’une décision refusant de mettre fin à l’exécution d’un contrat a été rénové par la décision du Conseil d’État Syndicat mixte de promotion de l'activité transmanche (CE, 30 juin 2018, no 398445, SMPAT). Ainsi, les tiers susceptibles d’être lésés dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine par le refus de résilier un contrat peuvent le contester devant le juge administratif, pour mettre fin à l’exécution du contrat.
À cet égard, ils ne peuvent soulever, d’une part, que des moyens tirés de ce que la personne publique contractante était tenue de mettre fin à l’exécution du contrat du fait de dispositions législatives applicables aux contrats en cours ; d’autre part, de ce que le contrat est entaché d’irrégularités de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution, ou encore de ce que la poursuite de l’exécution du contrat est manifestement contraire à l’intérêt général.
Un champ relativement large et destiné à être précisé par la jurisprudence donc ; ce dont se charge l’arrêt commenté qui a trait à l’un des nombreux contentieux opposant les huissiers de justice pour les marchés de recouvrement des créances publiques.
Le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice avait saisi la direction régionale des finances d’Île-de-France d’une demande de résiliation des marchés fondée sur des irrégularités qui affecteraient leur exécution tenant à ce que le GIE titulaire du marché encaisserait directement des sommes recouvrées sur son compte bancaire alors que seuls les huissiers de justice ou sociétés titulaires de l'office, et non les groupements d'intérêts économiques auxquels ils appartiennent, peuvent procéder au recouvrement par chèque des amendes.
À la suite du refus opposé par la direction régionale des finances d’Île-de-France, le GIE Groupement périphérique des huissiers de justice a saisi le tribunal administratif qui a rejeté sa demande par un jugement confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 17 octobre 2018. C’est donc au Conseil d’État qu’il est finalement revenu de se prononcer sur cette question.
Et si le Conseil d’État constate que le titulaire du marché a bien méconnu l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers et de l'arrêté du 4 août 2006 pris pour son application, l’arrêt no 16PA01913 de la cour administrative d'appel de Paris est confirmé en ce qu’il a considéré que ces irrégularités n'étaient pas constitutives d'inexécutions d'obligations contractuelles qui, par leur gravité, compromettraient manifestement l'intérêt général et justifieraient qu'il soit mis fin à l'exécution de ces contrats.
Que retenir de cette décision ? Sûrement le fait que, comme on pouvait s’y attendre, le champ de ce recours s’annonce assez restreint en ce qui concerne le moyen tiré de ce que la poursuite de l’exécution du contrat serait manifestement contraire à l’intérêt général.
Le rapporteur public se prononce en ce sens dans ces conclusions : « Le motif tiré de ce que l’exécution du contrat est manifestement contraire à l’intérêt général est de nature différente puisqu’il a pour fonction de soumettre au juge l’exercice par la personne publique cocontractante de son pouvoir de résiliation unilatérale dans l’intérêt général, pour lequel elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation, ce qui se traduit par le fait que le juge ne pourra annuler son refus de l’exercer que si celui-ci, autrement dit la poursuite de l’exécution du contrat, apparaît manifestement contraire à l’intérêt général. ».
Évoquant le recours « transmanche », le rapporteur public Gilles Pellissier écrivait en 2017 dans ses conclusions : « plus efficace, mieux adaptée, cette voie de recours n'en demeurera pas moins aussi étroite que celle de l'acte détachable et ne sera probablement guère plus utilisée qu'elle ».
En voici une première illustration.