Spécificités des critères d’attribution dans le cadre des marchés à procédure adaptée
Quand bien même les procédures adaptées ne sont pas, par définition, réglementées par le Code des marchés publics, elles doivent respecter les principes fondamentaux posés à l’article 1er de celui-ci. Aussi, la jurisprudence définit des règles communes aux procédures formalisées et aux procédures adaptées. Tel était le cas, par exemple, pour les critères d’attribution des offres dont le régime juridique semblait identique. Mais si les articles 52 et 53 du Code des marchés publics sur la sélection des candidatures et l’attribution des marchés paraissent opposables aussi bien aux procédures adaptées qu’aux procédures formalisées, le Conseil d’État institue actuellement une lecture plus souple de ces articles à l’égard des procédures adaptées. Ce faisant, il consacre une pratique existante de la part des pouvoirs adjudicateurs, tout en l'encadrant.
I. Opposabilité de l’article 53-I du Code des marchés publics aux MAPA
Par ailleurs, la jurisprudence Bertelé du Conseil d’État en date du 19 décembre 2006 distingue bien les critères d’attribution de l’article 53 de ceux permettant de sélectionner les candidatures de l’article 52 et sanctionne le fait d’utiliser comme critère d’attribution des offres l’expérience et les références d’un candidat, car ces données relèvent de l’analyse de la candidature et non de l’offre. Même si la décision Société Bertelé visait un appel d'offres ouvert, l’apport de l’arrêt semblait concerner l’ensemble des procédures marchés publics. Le régime juridique concernant les critères d’attribution est alors identique, que la procédure concernée soit une procédure formalisée ou une procédure adaptée.
II. Consécration jurisprendentielle de la référence aux pratiques professionnelles
Le considérant de principe de l’arrêt Commune d’Aix-en-Provence est très clair : « Considérant en premier lieu que dans le cadre de la procédure adaptée, il est loisible au pouvoir adjudicateur d'examiner, au cours d'une phase unique, la recevabilité des candidatures et la valeur des offres ; qu'ainsi, la commune d'Aix-en-Provence pouvait en tout état de cause retenir, pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse, le critère tiré de l'expérience du candidat dans les domaines objets des différents lots du marché ; qu'il en résulte qu'en annulant la procédure sur le premier motif tiré de ce que la commune aurait introduit, parmi les critères d'appréciation de la valeur des offres, des exigences relatives à la sélection des candidatures devant faire l'objet d'une phase distincte, le juge des référés précontractuels a commis une erreur de droit ».
III. L’expérience du candidat : critère d’attribution sous conditions
On peut s’étonner de la condition de « non-discrimination » à l’emploi du critère de l’expérience des candidats, dans la mesure où les critères de choix des offres sont par nature discriminatoires car ils visent à choisir une offre au détriment des autres. La communication interprétative de la Commission relative aux marchés non soumis aux directives marchés publics évoque d’ailleurs, au sujet de la décision d’attribuer un marché, du respect des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement. Ici, la non-discrimination se conçoit sous l’angle de l’égalité de traitement des candidats. Aussi, l’aspect discriminatoire visé par le Conseil d’État dans sa décision Parc naturel régional des Grands Causses peut être interprété comme l’atteinte au principe d’égalité des candidats lorsque l’emploi de l’expérience comme critère d’attribution a pour effet de conférer un avantage déterminant au candidat ayant le plus d’expérience.
Ces restrictions d’emplois ne sont pas à considérer à la légère, ainsi que l'a rappelé la cour administrative d’appel de Douai, à l'occasion d'une affaire concernant l’office municipal de tourisme de Berck-sur-Mer. Ce dernier, pour attribuer un MAPA concernant l’organisation des rencontres internationales de cerfs-volants, avait décidé d'allouer 60 points à l’expérience des candidats et 40 points pour le prix des prestations. Logiquement, le seul candidat ayant déjà organisé en France le championnat du monde des cerfs volants se retrouve attributaire du marché. La cour administrative d’appel de Douai sanctionne l’avantage excessif accordé à ce candidat : « La définition d’un tel critère ne peut se faire en méconnaissance du principe d’égalité de traitement des candidats à la commande publique fixé par l’article 1er du Code des marchés publics précité, applicable aux marchés conclus dans le cadre d’une procédure adaptée ».
- CE, 2 août 2011, Parc naturel régional des Grands Causses, n° 348254
- CAA Douai, 7 juin 2011, Office municipal de tourisme de Berk-sur-Mer, n°10DA00232
- CE, 6 mars 2009, Commune d'Aix-en-Provence, n° 314610
- CE, 19 décembre 2006, Société Bertelé, n° 273783
- Communication interprétative de la Commission relative au droit communautaire applicable aux passations de marchés non soumises ou partiellement soumises aux directives « marchés publics » (2006/C 179/02)