La beauté cachée (des) délais
L’enchaînement des délais pour parvenir au décompte général et définitif est inscrite dans le cahier des clauses administratives générales arrêté en 2009, mais continue parfois à perdre les praticiens. Le juge contribue à les éclairer, dans trois arrêts du mois d’octobre.
Le Conseil d’État a, dans un arrêt du 23 octobre 2017, Société Colas Normandie, précisé sa jurisprudence en matière de point de départ du « délai raisonnable » ouvert au sous-traitant pour demander un paiement direct. Le juge de cassation rappelle que l’obtention du paiement direct, par le maître d'ouvrage, de tout ou partie de ses prestations par le sous-traitant régulièrement agréé, est conditionnée à sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché, et au maître d'ouvrage, en temps utile. Il complète alors ce principe en indiquant qu’« une demande adressée avant l'établissement du décompte général et définitif du marché doit être regardée comme effectuée en temps utile ».
Cet arrêt entre en écho avec deux décisions du juge du fond sur des délais. La cour administrative d’appel de Paris a refusé d’appliquer un délai maximum de transmission, par le maître d’ouvrage, du décompte général définitif au titulaire d’un marché résilié à ses frais et risques (CAA Paris, 17 oct. 2017, n° 16PA01977, Société TMCR). Si cette transmission est bien enfermée dans un délai lorsque le titulaire a réalisé ses prestations, afin de limiter les délais de paiement cachés, tel n’est pas le cas si le marché a été résilié aux frais et risques du prestataire. En l’espèce, ce n’est que trois ans après l’achèvement des travaux que le premier titulaire s’est vu notifié le décompte général et définitif.
En revanche, dans un arrêt rendu le même jour (CAA Paris, 17 oct. 2017, n° 15PA03384, Société Systra), la cour administrative d’appel de Paris enferme le délai de contestation du décompte général dans un cadre plus strict que celui prévu par les textes. Dans le CCAG-Travaux de 2009, le mémoire contenant les réserves du prestataire sur le décompte général doit être envoyé dans un délai de 45 jours. Or, le juge du fond interprète cette disposition dans le sens d’une réception par le pouvoir adjudicateur dans ce délai, et non seulement l’émission, désormais en Île-de-France, dans l’Ouest (CAA Nantes) et dans le Sud (CAA Marseille). Les lecteurs auront d'eux-mêmes appliqué les nouveaux délais prévus par le CCAG-Travaux (30 jours), réduisant d'autant le temps laissé au titulaire pour contester un décompte général pour prendre en compte la diligence attendue par le juge.
Dans une vue d’ensemble, le juge se montre plutôt souple avec les pouvoirs adjudicateurs… mais ne souhaite pas en faire autant avec les prestataires.
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