Marchés de travaux : fixation du point de départ du délai de paiement en cas de contestation du décompte
Si le point de départ du délai de paiement dans les contrats de la commande publique est en principe la date de réception de la demande de paiement par la personne publique, le paiement du solde des marchés publics de travaux relève d’une solution dérogatoire. Dans une décision du 13 avril dernier, le Conseil d'État vient clarifier les modalités de computation du délai dans le cas où le décompte général fait l’objet d’un mémoire en réclamation par le titulaire.
Dans cette affaire, la commune de Mulhouse avait attribué à la société Z. un marché de travaux portant sur la construction d’une faculté. S’étant vue notifier un décompte général par la collectivité, la société a produit un mémoire en réclamation, reçu le 1er juillet 2008. Le juge d’appel a condamné la commune au paiement du solde du marché et majoré le restant dû sur ce solde d’intérêts moratoires à compter du 15 août 2008, soit quarante-cinq jours après réception du mémoire en réclamation.
Saisi en cassation, le Conseil d'État devait se prononcer sur le point de départ du délai de paiement en vue de déterminer le calcul des intérêts moratoires.
En l’espèce, le litige relevait de l’article 1er du décret du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, dont il résultait que « pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date de réception du décompte général et définitif par le maître d'ouvrage », par exception à la règle selon laquelle le point de départ du délai global de paiement « est la date de réception de la demande de paiement » par la collectivité (ibid.).
Quelques précisions avaient d’ores et déjà pu être apportées sur les modalités de détermination du point de départ de calcul des intérêts moratoires. Ainsi, le Conseil d’État a jugé que « la circonstance que le solde du marché ne puisse être établi par les parties elles-mêmes est sans incidence sur le point de départ des intérêts moratoires », qui « doit être fixé à la date à laquelle ce solde aurait dû être établi » sauf « lorsque le retard dans l'établissement du solde est imputable au titulaire du marché, le point de départ de ces intérêts étant alors fixé à la date à laquelle le juge est saisi en vue du règlement du litige » (CE 11 mars 2009, Société Dominique Housieaux).
Demeurait en revanche incertaine la solution à retenir dans le cas, pourtant fréquent, où le titulaire du marché produit un mémoire en réclamation contestant le décompte général. La jurisprudence était hésitante sur ce point : certaines juridictions avaient décidé de retenir la date de notification du décompte général, quand d’autres proposaient de retenir la date de notification du mémoire en réclamation (CAA Douai, 31 décembre 2012, Société Colas Nord Picardie). C’est dans cette dernière lignée que s’est inscrite la cour administrative d’appel de Nancy dans la présente affaire, puis le Conseil d'État, qui a validé cette position dans sa décision du 13 avril.
Ce dernier juge en effet que « pour l'application [des dispositions de l’article 1er du décret du 21 février 2002], reprises à l'article 2 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, lorsqu'un décompte général fait l'objet d'une réclamation par le cocontractant, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu'à compter de la réception de cette réclamation par le maître d'ouvrage ».
L’incise par laquelle il est fait référence au décret du 29 mars 2013 laisse indique que cette solution s’étendra également aux marchés relevant dudit décret, dont l’article 2.I.2° dispose que « pour le paiement du solde des marchés de travaux soumis au code des marchés publics [lire : l’ordonnance du 23 juillet 2015, en application de l’article 178 du décret du 25 mars 2016], le délai de paiement court à compter de la date de réception par le maître de l'ouvrage du décompte général et définitif établi dans les conditions fixées par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ».
Une clarification bienvenue.
Sources :
- CE, 13 avril 2018, n°402691, Société Eiffage Construction Alsace
- Décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique
- Décret n°2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics
- CE, 11 mars 2009, n° 296067, Société Dominique Housieaux
- CAA Douai, 31 décembre 2012, n° 11DA01605, Société Colas Nord Picardie