Un accord entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur principal ne suffit pas à faire échec au paiement direct du sous-traitant
L’acheteur public peut-il s’accorder avec le titulaire d’un marché afin de réduire le montant des sommes dues à l’un de ses sous-traitants, notamment pour tenir compte des conditions dans lesquelles les prestations ont été réalisées ? Telle est du moins la question que devait trancher le Conseil d’État dans le cadre d’un contentieux opposant le sous-traitant et le maître d’ouvrage d’un marché public de travaux qui lui avait imposé une réfaction de prix sur les prestations effectuées.
En l’espèce, le maître d’ouvrage et l’entrepreneur principal du marché avaient choisi, par deux actes spéciaux, de réduire le montant des sommes à payer au sous-traitant afin de tenir compte de l’absence d’exécution par ce dernier de certaines prestations. Toutefois, la passation de ces actes n’avait pas donné lieu à une modification du contrat de sous-traitance. Le sous-traitant avait alors saisi la juridiction administrative au moment d’obtenir le paiement direct du quantum de la rémunération qui lui avait été soustraite en application de l’accord passé entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur principal. L’affaire avait fini par être portée devant le Conseil d’État.
Or, la haute juridiction administrative profita de cette opportunité pour rappeler, qu’à défaut de modification du contrat de sous-traitance, un tel accord ne pouvait pas réduire le droit au paiement direct du sous-traitant lorsque celui-ci a été régulièrement accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître d’ouvrage (L. no 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, art. 6). Il convient en effet de souligner que si le sous-traitant a le droit d’obtenir le paiement direct de ses prestations par le maître d’ouvrage, ce dernier n’en demeure pas moins être un tiers au contrat de sous-traitance. Il ne peut donc valablement s’accorder avec l’entrepreneur principal pour réduire le montant des sommes qui lui sont dues en application du contrat de sous-traitance, même afin de tenir compte des réserves émises lors de la réception travaux (CAA Lyon, 15 mai 2015, no 12LY22756, Société Sefers ; CAA Versailles, 28 nov. 2013, no 11VE00814, Société Elendil). À noter que l’entrepreneur principal peut cependant faire échec, et nul besoin d’ailleurs pour cela de s’accorder avec le maître d’ouvrage. Conformément à l’article 8 de la loi du 3 décembre 1975, l’entrepreneur principal dispose en effet d’un délai de 15 jours, à compter à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les accepter ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d’acceptation. Passé ce délai, celui-ci sera toutefois réputé avoir accepté les pièces justificatives qu’il n’aura pas expressément acceptées ou refusées. Sources :
- CE, 27 mars 2017, no 394664, Société Daufin Construction Métallique
- CAA Versailles, 28 novembre 2013, no 11VE00814, Société Elendil
- CAA Lyon, 15 mai 2015, no 12LY22756, Société Sefers
- L. no 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, art. 6 et 8