La transaction

Par Laurent Chomard

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« Une mauvaise transaction vaut mieux qu’un bon procès ». Ce célèbre adage du milieu judiciaire, l’État l’a fait sien et encourage depuis plusieurs années au règlement amiable des conflits qui se concrétisera par une transaction. Si le recours à la transaction ne peut constituer un mode courant de gestion des achats et contrats par l’administration, son emploi présente de nombreux avantages : en effet, la transaction facilite un règlement rapide et amiable des différends, elle permet une gestion économe des deniers publics et allège la charge de travail des juridictions. À cette fin deux circulaires sont venues préciser l’emploi de la transaction et inciter à son recours, une circulaire du 7 septembre 2009  à destination des acheteurs publics et une circulaire plus générale en date du 6 avril 2011. Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux peuvent transiger librement depuis la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions (CE, Avis,  21 janv. 1997, no 359996). Nous allons tout d’abord étudier en quoi consiste une transaction et en particulier quels en sont les éléments constitutifs, puis comment rédiger une transaction et enfin les formalités entourant son exécution.

I. Définition et éléments constitutifs

La transaction est un contrat écrit, permettant de terminer une contestation née ou de prévenir une contestation à naître (C. civ., art. 2044). Il y a lieu de la distinguer de la conciliation, de la médiation ou de l’arbitrage. La conciliation et la médiation sont des procédures de règlement amiable pouvant donner lieu à une transaction. L’arbitrage est un mode juridictionnel de règlement des conflits qui se règle par une sentence arbitrale qui s’impose aux parties.La transaction comporte trois éléments constitutifs : une situation litigieuse, des concessions réciproques et une convention de règlement.Le contrat de transaction doit être fondé sur un litige en cours ou à venir mais qui présente un caractère certain, le différend hypothétique n’est pas possible. Cela implique qu’une des parties ait émis une réclamation en lien avec l’exécution du marché et qu’elle ne puisse être réglée dans le cadre contractuel, tel que l’enrichissement sans cause (en cas d’annulation du marché ou expiration de sa durée, etc.).La transaction interdit aux personnes publiques toutes libéralités, mais autorise une indemnité transactionnelle réparant un préjudice. Les concessions réciproques ne sont pas nécessairement équivalentes. Seul un déséquilibre manifeste serait sanctionné par le juge. En contrepartie d’une indemnité octroyé au titulaire d’un marché, celui-ci en renonçant à une action judiciaire fait lui aussi une concession.La convention de règlement comprend les modalités d’évaluation des dommages et les opérations de liquidation des sommes comprises dans l’accord. Les parties peuvent utilement annexer au contrat de transaction l’ensemble des documents auxquels celui-ci fait référence.

II. La rédaction de la transaction

La transaction doit être constatée dans un écrit. Il n’existe pas de formalisme particulier, mais les mentions suivantes doivent toujours s’y trouver :

  • le nom, l’état civil ou la raison sociale, les coordonnées des parties et la qualité des signataires ;
  • le rappel sommaire des faits, accompagné de leur date ;
  • l’énoncé précis et complet du litige que la transaction entend régler ; une transaction ne règle que les différends qui s’y trouvent énoncés ;
  • la référence éventuelle de l’expertise ; si la transaction est fondée sur les conclusions d’un rapport d’expertise, il est souhaitable d’en faire état. Un exemplaire du rapport doit être conservé par l’administration ;
  • le montant total de la somme à verser par la personne publique en précisant si ce montant est hors taxe ou non ;
  • si les préjudices sont détaillés, les sommes offertes peuvent être aussi détaillées ;
  • les justificatifs des préjudices matériels réparés doivent être joints au protocole ;
  • mes sommes éventuellement versées par les organismes sociaux agissant en qualité de tiers payeurs, qu’ils soient parties ou non au protocole, doivent être précisées, afin qu’il soit fait application des règles relatives au recours subrogatoire des tiers payeurs ;
  • une formule de renonciation à tout recours ultérieur portant sur les mêmes faits, et de désistement si un contentieux est en cours dont la rédaction pourrait être la suivante : « M.... renonce à toute action, prétention et à tout recours à l’encontre de l’État relatifs aux mêmes faits et se désiste de toute instance ou action en cours engagée contre la collectivité. »

Le juge administratif contrôle le contenu de ces clauses et vérifie les points suivants :

  • les parties doivent consentir effectivement à la transaction ;
  • l’objet de la transaction doit être licite ;
  • l’administration ne doit pas accorder une libéralité à son cocontractant ;
  • aucune règle d’ordre public ne doit être méconnue.

Les transactions ne peuvent porter sur :

  • les conditions dans lesquelles l’administration doit exercer les prérogatives qui lui sont dévolues (police administrative, gestion du domaine public, etc.)
  • le montant des intérêts moratoires dus en exécution d’un marché public (CE, 17 oct. 2003, Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales c/ Syndicat intercommunal d’assainissement le Beausset, la Cadière, le Castellet, no 249822) ;
  • la commande de nouvelles prestations au cocontractant si l’attribution de ces prestations implique la mise en oeuvre préalable d’obligations de publicité et de mise en concurrence ;
  • l’application des garanties contractuelles ou « postcontractuelles » afférentes aux marchés publics valides (par exemple, la garantie décennale des constructeurs).

III. La signature et l’exécution des transactions

La signature d’une transaction nécessite, en principe, l’autorisation préalable de l’organe délibérant. Les règles propres à certains organismes publics autorisent, cependant, l’organe délibérant à accorder une délégation de compétence à l’autorité exécutive pour la conclusion de transaction. Cette délégation peut être limitée à certains domaines ou plafonnée à certains montants. En l’absence de délégation, une délibération préalable de l’organe délibérant est nécessaire pour autoriser la signature de chaque contrat. L’organe délibérant doit se prononcer sur « tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre desquels figurent, notamment, la contestation précise que la transaction a pour objet de prévenir ou de terminer et les concessions réciproques que les parties se consentent à cette fin » (CE, 11 sept. 2006, Commune de Théoule-sur-Mer, no 255273). Toutefois, la jurisprudence n’exige pas que l’organe délibérant examine le texte même du contrat de transaction avant d’accorder son autorisation. Attention, il est courant pour les transactions portant sur un litige né dans le cadre de l’exécution d’un marché public de recourir à un « avenant transactionnel ». Celui-ci est avant tout une transaction, la personne habilitée à signer un simple avenant n’est pas obligatoirement autorisée à signer une transaction. Il faut  pour cela que la délégation l’autorisant à signer un avenant l’autorise aussi et de façon expresse à signer une transaction.Une fois signée et pour être exécutoire, la transaction devra être transmise éventuellement au contrôle de légalité, si le marché lui-même à a fait l’objet en raison de son montant d’une transmission. Il est loisible aux parties de rechercher une homologation de leur transaction par le juge administratif dans le but de lui donner un supplément d’autorité ou pour donner des gages de légalité au comptable public. Cependant l’homologation n’est pas une obligation et, en vertu de l’article 2052 du Code civil, le Conseil d’État considère, par son avis 6 décembre 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second degré de L’Haÿ-les-Roses, que la transaction a entre les parties l’autorité de la chose jugée en dernier ressort et est exécutoire de plein droit.

  Sources :