Le point sur les avances
L’avance forfaitaire a disparu avec le Code des marchés publics 2006, mais l’avance elle-même reste plus que jamais d’actualité avec des entreprises fragilisées par la crise. Si le terme « forfaitaire » a disparu, le dispositif reste fondamentalement le même. Une avance minimum est prévue obligatoirement dans certains cas, mais le pouvoir adjudicateur est libre de prévoir une avance « volontaire » quel que soit le cas de figure. Après avoir approfondi la nature juridique de l'avance dans cette première partie, nous évoquerons le régime juridique de l’avance dans la deuxième partie de cet article.
PARTIE 1
I. Qu’est-ce qu’une avance ?
Une avance est le versement d’une somme d’argent par le pouvoir adjudicateur avant même le début d’exécution des prestations, objet du marché. Conformément à son objet, l’avance a pour but d’améliorer la trésorerie des entreprises avant le paiement des premières situations ou acomptes. L’avance vise à faciliter l'exécution des marchés et à assurer l'égalité d'accès aux marchés, entre les entreprises disposant d'une trésorerie suffisante pour démarrer l'exécution des prestations, et celles qui n'en disposent pas. Tel est le cas, notamment, des petites et moyennes entreprises et des associations qui œuvrent dans des secteurs économiques susceptibles de se voir appliquer le Code des marchés public. L’avance permet à toute entreprise attributaire d’un marché de faire face aux dépenses d’approvisionnement parfois importantes et nécessaires avant même le début des prestations. Une avance n’est pas à confondre avec un acompte, qui constitue le paiement de la prestation une fois celle-ci réalisée. L’avance permet donc au pouvoir adjudicateur de déroger au principe du service fait. Ce principe de comptabilité publique interdit à l’administration de payer une prestation avant même qu’elle ne soit réalisée. Cette règle, du paiement après service fait, n’est pas incompatible avec le correctif du système de l’avance qui permet aux entreprises de préfinancer l’exécution d’un marché. Le titulaire du marché peut néanmoins refuser l’avance.
II. Quand y a-t-il avance obligatoire ?
Conformément à l’article 87 alinéa 1 du Code des marchés publics :
- Pour un marché ordinaire, deux conditions doivent être réunies : le montant initial HT du marché doit être supérieur à 50 000 € et le délai d’exécution du marché supérieur à deux mois.
- Pour un marché à tranches, les conditions sont les mêmes mais adaptées aux spécificités de la forme du marché. Première condition : le montant initial HT de la tranche affermie doit être supérieur à 50 000 € et deuxième condition, le délai d’exécution de la tranche doit être supérieur à deux mois. En conséquence, l’appréciation de l’obligation d’avance se gère tranche par tranche.
- Pour les marchés à bons de commande avec montant minimum : la première condition sera un montant HT minimum du marché supérieur à 50 000 €. Mais pour un marché à bons de commande sans minimum, la première condition sera un montant HT du bon de commande supérieur à 50 000 €. Seconde condition : un délai d’exécution du marché supérieur à deux mois. En conséquence, l’appréciation de l’obligation d’avance se gère bon de commande par bon de commande.
- Pour un marché reconductible, la période initiale sera traitée séparément des périodes d’éventuelles reconductions. L’on pourra utilement se référer au tableau édité par le MINEFE.
III. Calcul du montant de l’avance obligatoire
Cette avance n’est due au titulaire du marché que sur la part du marché qui ne fait pas l’objet de sous-traitance.Conformément à l’article 87, alinéa 2, du Code des marchés publics, pour chaque type de marché, deux cas de figure se présentent :Pour un marché ordinaire
- Un délai d’exécution du marché inférieur ou égal à douze mois implique une avance de 5 % du montant initial TTC du marché
- Un délai d’exécution du marché supérieur à douze mois : l’avance sera de 5 % de (12 x montant initial TTC du marché/durée en mois du marché)
Pour un marché à tranches :
- Le délai d’exécution de la tranche est inférieur ou égal à douze mois : l’avance sera de 5 % du montant initial TTC de la tranche affermie
- Le délai d’exécution de la tranche est supérieur à douze mois : l’avance représente 5 % de (12 x le montant initial TTC de la tranche affermie/durée en mois de la tranche)
Pour un marché à bons de commande avec minimum supérieur à 50 000 euros :
- Délai d’exécution du marché inférieur ou égal à douze mois : le montant de l’avance sera de 5 % du montant HT minimum du marché
- Délai d’exécution du marché supérieur à douze mois : l’avance représente 5 % de (12 x le montant HT minimum du marché/durée en mois du marché)
Pour un marché à bons de commande sans minimum :
- Délai d’exécution du bon de commande inférieur ou égal à douze mois : l’avance sera de 5 % du montant HT du bon de commande
- Délai d’exécution du bon de commande supérieur à douze mois : l’avance représente 5 % de (12 x le montant HT du bon de commande/délai d’exécution en mois du bon de commande)
À noter que pour un marché reconductible, la période initiale sera, là aussi, traitée séparément des périodes d’éventuelles reconductions.
PARTIE 2
Après avoir présenté les règles régissant l’avance obligatoire, il nous faut aborder, outre l’avance volontaire, le régime juridique de l’avance en général.
I. L’avance volontaire
Le Code des marchés publics de 2006 a supprimé la référence à l’avance forfaitaire et à l’avance facultative pour y substituer l’avance obligatoire. Toutefois, en l’absence d’avance obligatoire, le pouvoir adjudicateur peut tout de même prévoir une avance. Parallèlement, en présence d’une avance obligatoire, le pouvoir adjudicateur peut souhaiter que le taux de l’avance soit supérieur aux 5 % réglementaires. Ces deux types d’avance peuvent être qualifiés de « volontaires », la référence à l’avance « facultative » pouvant être source d’erreur, car son régime juridique était spécifique. L’avance ne peut dépasser 30 % (les assiettes à rapprocher de ces pourcentages sont les mêmes que celles définies pour le calcul des montants de l’avance obligatoire) sauf à ce que le titulaire du marché (hors personnes publiques) fournisse une garantie à première demande (il s’agit d’une garantie qui, souscrite par le titulaire du marché au profit du pouvoir adjudicateur, doit être exécutée par un établissement bancaire, dès lors que le pouvoir adjudicateur le demande). Dans ce cas, le taux de l’avance peut aller jusqu’à 60 %. Si le titulaire du marché est une personne publique, aucune garantie ne peut être exigée pour dépasser les 30 % et le taux de l’avance peut aller jusqu’à 60 %. Une avance inférieure ou égale à 30 % peut donner lieu à une demande de garantie de la part du pouvoir adjudicateur et conditionner son versement à la constitution d’une garantie à première demande ou d’une caution portant sur tout ou partie du remboursement de l’avance, sauf si le titulaire du marché est une personne publique.
II. Co-traitance et sous-traitance
En cas de paiement sur un compte unique ouvert au nom des entrepreneurs groupés ou du mandataire (généralement en présence d’un groupement solidaire), l’avance se règle de la même façon qu’en l’absence de groupement. En cas de pluralité de comptes inscrits à l’acte d’engagement (généralement en présence d’un groupement conjoint), le calcul du montant de l’avance est fait pour chaque part du marché faisant l’objet d’un paiement individualisé. Lorsqu’une partie du marché est sous-traitée, l’assiette de l’avance prévue à l’article 87 du code est réduite, pour le titulaire, au montant correspondant aux prestations lui incombant. Dès lors que le titulaire remplit les conditions pour bénéficier d'une avance, celle-ci est versée aux sous-traitants bénéficiaires du paiement direct, à leur demande. Pour le calcul du montant de cette avance, les limites fixées à l’article 87 sont appréciées par référence au montant des prestations confiées aux sous-traitants tel qu’il figure dans le marché ou dans l’acte spécial mentionné au 2° de l’article 114. Le droit du sous-traitant à une avance est ouvert dès la notification du marché ou de l’acte spécial par le pouvoir adjudicateur. Le remboursement de l’avance s’effectue selon les modalités prévues à l’article 88. Si le titulaire du marché qui a perçu l’avance sous-traite une part du marché postérieurement à sa notification, il rembourse l’avance correspondant au montant des prestations sous-traitées, et ce, même dans le cas où le sous-traitant ne peut pas ou ne souhaite pas bénéficier de l’avance. Le remboursement par le titulaire s’impute sur les sommes qui lui sont dues par le pouvoir adjudicateur dès la notification de l’acte spécial.
III. Quand verse-t-on l’avance ?
Par définition, l’avance se verse en début de marché. C’est pourquoi son montant, qu’elle soit octroyée ou obligatoire, ne peut être affecté par l’éventuelle mise en œuvre d’une clause de variation de prix.Le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics dispose qu’« en cas de versement d'une avance, le délai global de paiement de celle-ci court à partir de la notification de l'acte qui emporte commencement d'exécution du marché si un tel acte est prévu ou, à défaut, à partir de la date de notification du marché ». Le même décret prévoit que « lorsque, conformément à l'article 89 ou à l'article 90 du Code des marchés publics, la constitution d'une garantie à première demande ou d'une caution personnelle et solidaire est exigée, pour tout ou partie du remboursement d'une avance, le délai global de paiement ne peut courir avant la réception de cette garantie ou de cette caution ». De plus, l’article 87-III dernier alinéa du Code des marchés publics prévoit que « le taux et les conditions de versement de l’avance sont fixés par le marché. Ils ne peuvent être modifiés par avenant ». Cette disposition permet au pouvoir adjudicateur de conditionner le versement de l’avance, que celle-ci soit obligatoire ou non. Le pouvoir adjudicateur peut donc exiger des justificatifs d’approvisionnements, d’investissements (immobiliers ou droits de propriété intellectuelle) ou de matériels acquis pour son compte. Dans ce cas, l’article 1-II du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 prévoit qu’« en cas de versement d'une avance, le délai global de paiement de celle-ci court à partir de la réception par la personne indiquée au marché des justificatifs éventuellement prévus au marché pour le versement de cette avance ».En résumé, le versement de l’avance se fait à compter de la notification du marché ou de l’ordre de service qui valent commencement d’exécution des prestations, sous réserve de la réception par le pouvoir adjudicateur des éventuelles garanties (garantie à première demande ou caution) ou d’autres justificatifs exigés par le pouvoir adjudicateur.
IV. Le remboursement de l’avance
Le remboursement de l’avance s’impute sur les sommes dues au titulaire, selon un rythme et des modalités fixés par le marché, par précompte sur les sommes dues à titre d’acomptes ou de règlement partiel définitif ou de solde.En l’absence de dispositions prévues au marché :
- le remboursement commence lorsque les acomptes atteignent 65 % ;
- le remboursement se termine lorsque les acomptes atteignent 80 %.
Les assiettes à rapprocher de ces pourcentages sont les mêmes que celles définies pour le calcul des montants de l’avance obligatoire. Il est à noter que, même lorsque le marché définit le rythme de remboursement, celui-ci doit être terminé lorsque les acomptes atteignent 80 %. Lorsque les avances sont remboursées par précompte sur les sommes dues à titre d'acompte ou de solde, le précompte est effectué après application de la clause de variation de prix sur le montant initial de l'acompte ou du solde (CMP, art. 94). Sources :
- CMP, art. 87 et s.
- Décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics