Gare aux pièges et faux amis des marchés publics !
De prime abord, les marchés publics sont perçus comme une matière aride et compliquée à l’instar du droit de l’urbanisme. Par ailleurs, le développement des troisièmes cycles universitaires autour de la commande publique et l’intérêt grandissant, rendu nécessaire par la crise, pour l’aspect économique de l’achat public ont élargi l’audience de cette matière au risque de confusions et de méprises. Or, la clarté sur les concepts fondamentaux de cette discipline est d’autant plus nécessaire qu’elle n’a jamais subi autant de mutations en si peu de temps. Aussi convient-il de passer en revue les notions de lot et de marché, puis d’accord-cadre et de marché à bons de commande avant de mettre en évidence la différence entre option, variante et tranche optionnelle et enfin de dissiper les approximations entre le marché à procédure adaptée (MAPA) et l’appel d’offres.
I. Lot et marché
Le lot est souvent perçu comme un « sous-marché », ce qui n’est bien sûr pas le cas car un lot est un marché. Rappelons tout d’abord qu’un marché est avant tout un contrat, certes passé conformément aux dispositions du code organisant la procédure des marchés publics, mais un réel contrat ayant pour objet de répondre aux besoins des pouvoirs adjudicateurs (CMP, art. 1er). Conformément à l’article 10 du CMP, « le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés ». Il n’en demeure pas moins, malgré des expressions malheureuses, que « la dévolution en lots séparés » fait de chaque lot un marché à part entière, obligeant à une notification et éventuellement à une fiche de recensement. En effet, il faut bien comprendre que ce n’est pas le marché qui est à proprement parler alloti mais le besoin du pouvoir adjudicateur devant donner lieu à un ou plusieurs marchés. Les différentes formes de la consultation sont soit la dévolution en marché unique, soit la dévolution en marchés séparés (CMPE, Rapport annuel, p. 9). Lorsque plusieurs lots sont attribués à un même titulaire, ils peuvent être fusionnés pour former un seul marché (CMP, art. 10).
II. Accord-cadre et marché à bons de commande
L’accord-cadre est souvent assimilé à une sorte de « super » marché. Par ailleurs, le fait de devoir indiquer dans la publicité au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE) que le marché à bons de commande est un accord-cadre contribue à obscurcir la notion. Pourtant, l’accord-cadre n’est ni un marché, ni pour autant une procédure, il est un « contrat établissant les termes des marchés à passer au cours d’une période donnée » (CMP, art. 1er). Pour la Commission européenne, un accord-cadre peut cependant définir l’intégralité des termes des marchés à conclure et, en cela, ne pas nécessiter la conclusion d’un nouvel accord (Fiche explicative de la Commission européenne sur les accords cadres). C’est ce qui explique que le marché à bons de commande français n’est qu’une forme d’accord-cadre pour la Commission. L’accord cadre stricto sensu nécessite quant à lui un nouvel accord permettant l’achat effectif. C’est ce type d’accord-cadre que la France a transposé dans son droit. Il définit la procédure d’attribution des marchés à venir et prédéfinit partiellement les dispositions d’ordre contractuel des marchés subséquents. Dans ce contexte, un accord-cadre n’est jamais un marché, c’est le « marché subséquent » ou « marché – cadre » qui est le contrat répondant aux besoins du pouvoir adjudicateur (autrement dit, un marché public en vertu de l’article 1er du Code des marchés publics).
III. Option, variante et tranche optionnelle
La variante et l’option sont parfois confondues car chacune consiste en une proposition alternative ou complémentaire au cahier des charges définissant les prestations dans le dossier de consultation. Elles se différencient en ce qu’une variante est proposée par le candidat tandis qu’une option est définie par le pouvoir adjudicateur. La personne publique devra se déterminer définitivement au moment du choix de l’attributaire et décider si l’option ou la variante est retenue. En cours d’exécution du marché, il ne sera plus possible de se raviser. L’option est le plus souvent perçue comme une prestation complémentaire, ce qu’elle peut être effectivement, au même titre que la variante. Toutefois, l’acceptation commune du terme « option » renforce cette perception pour l’opposer faussement à la variante. Sur cette question, le droit européen a une autre définition de l’option. En conséquence, il convient d’être très attentif en remplissant la rubrique « option » du formulaire du JOUE qui ne vise pas l’option au sens français, mais une reconduction de marché, un marché complémentaire ou un avenant. Si l’option et la variante doivent être choisies au moment de l’attribution du marché, la tranche conditionnelle, définie par la personne publique et attribuée en même temps que la tranche ferme, est, elle, affermie ou non lors de l’exécution du marché. Il ne saurait exister de tranche optionnelle en droit des marchés publics, sinon par abus de langage.
IV. MAPA et appel d’offres
Le MAPA est vu comme une procédure, ce qui est exact. Cependant, cette procédure n’est pas définie par le code ; elle est librement fixée par le pouvoir adjudicateur, conformément à l’article 28 du CMP. Dans un tel cas, il convient de définir dans le règlement de consultation et dans l’avis d’appel public à la concurrence les modalités exactes de la procédure que le pouvoir adjudicateur souhaite appliquer et même plus, dans la mesure où les dispositions comme l’infructuosité ou la déclaration sans suite, évoquées dans le chapitre sur les règles générales de passation, ne concernent pas les MAPA. À une vision trop réductrice du MAPA répond souvent la notion hypertrophiée de l’appel d’offres comme dénomination pratique pour l’ensemble des procédures formalisées par le Code des marchés publics. Il est vrai que pendant longtemps, l’appel d’offres, succédant à l’adjudication, était la procédure de droit commun des marchés publics (ce qui explique aussi la persistance de certain à voir dans l’appel d’offres une procédure pour acheter au moins-disant au lieu du mieux-disant). Aujourd’hui, il n’est plus tout à fait vrai de voir dans l’appel d’offres la procédure reine des marchés publics. Alors que le Code des marchés publics de 2001 disposait, en son article 26, que « les marchés sont passés sur appel d’offres » (suivaient les exceptions au principe), la formule actuelle de ce même article 26 indique que « les pouvoirs adjudicateurs passent leurs marchés selon les procédures formalisées suivantes… ». Si seul le recours à l’appel d’offres n’est soumis à aucune condition pour les pouvoirs adjudicateurs, ce qui le maintient en tant que procédure de droit commun, cet aspect a été gommé et n’est plus exact lorsque l’on agit en tant qu’entité adjudicatrice. En effet, dans ce cas, la procédure négociée avec mise en concurrence est librement utilisable, tout comme l’appel d’offres (CMP, art. 144). Sources :
- CMP, art. 1er, 10, 26, 28 et 144
- Commission des marchés publics de l’État – Rapport annuel 2009
- Fiche explicative de la Commission européenne sur les accords cadres